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LE CENTURION

Je vous en prie, Camilla, s’il y a d’autres obstacles entre nous, ne me les montrez pas en ce moment ; ne rompez pas le charme de cette heure délicieuse qui m’est donnée, où je puis enfin épancher mon cœur dans le vôtre, et laissez-moi l’espérance qui fait vivre l’amour.

— Je ne doute pas, Caïus, de la sincérité de votre aveu. Mais plus il est sincère, et plus il est grave dans ses conséquences. Vous l’avez dit, c’est une heure décisive, et peut-être une date qui fera époque dans notre vie. Trêve de badinages donc, et ne prononçons maintenant que de graves paroles.

Vous demandez que je vous laisse l’espérance. Et pourquoi vous l’enlèverais-je quand il me semble nue tout nous rapproche : sentiments patriotiques, relations de familles, recherche d’une vérité supérieure à celle qui nous a été léguée, aspirations vers un idéal divin qui est encore pour nous l’inconnu.

Si cette communauté de sentiments et d’affections n’existe pas entre nous, c’est que je vous connais mal.

Je ne veux pas prononcer le mot amour, car il m’effraie ; et quand vous avez osé me dire « Je vous aime, Camilla », j’ai éprouvé un saisissement dont j’ai peine à me remettre. Il m’a semblé que vous m’ouvriez la porte d’un monde inexploré, sous des cieux à la fois pleins d’étoiles et chargés de nuages.

Laissez-moi m’arrêter au seuil de cet inconnu, sur le rivage de cette mer qui a tant de mirages décevants, et tant d’écueils célèbres en naufrages.