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LE CENTURION

nous étions tous dans la stupéfaction, et notre hôte surtout, était tout scandalisé.

Si Jésus de Nazareth était vraiment un prophète, pensions-nous, il saurait que cette femme est une pécheresse, dont la vie a été un scandale, et il la repousserait avec mépris.

Simon allait sans doute intervenir, et mettre fin à cet incident qui choquait ses convenances pharisaïques ; mais Jésus le prévint.

— « Simon, j’ai quelque chose à te dire :

« Un créancier avait deux débiteurs ; l’un lui devait cinq cents deniers, l’autre cinquante. Comme ils n’avaient pas de quoi payer leur dette, il la leur remit à tous les deux. Lequel l’aimera le plus ?

— « Celui à qui il a le plus remis, je suppose, répondit Simon.

— « Tu as bien jugé, reprit Jésus. Et, se tournant vers Myriam, qui continuait de lui prodiguer ses hommages en pleurant, sans paraître entendre ce qui se disait, il continua : Vois-tu cette femme ? Je suis entré dans ta maison, tu ne m’as point donné d’eau pour laver mes pieds ; mais elle, elle les a lavés de ses larmes, et les a essuyés de ses cheveux. Tu ne m’as pas donné le baiser de paix, mais, elle, depuis qu’elle est entrée, n’a cessé de me baiser les pieds. Tu n’as pas versé de parfum sur ma tête ; mais elle en a répandu sur mes pieds. C’est pourquoi, je te dis : « beaucoup de péchés lui sont remis parce qu’elle a beaucoup aimé ; mais à celui qui aime moins, il est moins remis. »