Lui rappela qu’un jour, habile tentateur,
Revêtant du serpent la forme séduisante
Il avait pénétré dans l’Éden enchanteur.
Il lui sembla revoir la démarche imposante
D’Adam se promenant sous les arbres fleuris,
Noble comme les rois et beau comme un archange.
Il se souvint de toi, femme qui nous perdis,
Être qui fus pétri de lumière et de fange,
Et qui tiens à la fois du démon et de l’ange,
Éve, qui dans la mort plongeas l’humanité.
Ce vivant souvenir de sa grande victoire
Ranima de Satan le regard attristé,
Et tout gonflé d’orgueil, se drapant dans sa gloire,
Il marcha vers Jésus d’un pas victorieux.
Mais le désert était aride et solitaire :
Des sables sans gazons et des rochers poudreux,
Des arbrisseaux séchés et courbés vers la terre,
Des citernes sans eau sous le soleil brûlant.
Ah ! ce n’était plus là le jardin de délices,
Le merveilleux Éden où l’antique serpent
Avait pu déployer tant d’adroits artifices,
Et troubler à jamais la paix de nos aïeux.
Dans ces lieux désolés pas d’arbre de science,
Pas de fruit défendu, pas d’Éve aux blonds cheveux ;
Seul, Jésus-Christ jeûnant et faisant pénitence !
De ce nouvel Adam comment donc triompher ?
Découvrir sa faiblesse est-il chose possible ?
Satan marcha moins vite et se prit à penser :
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Apparence
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la tentation