Page:Roux - La Question agraire en Italie, 1910.djvu/54

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s’adapte à ses exigences : en fait, le droit de propriété privée ne s’exerce que pendant le temps nécessaire à la culture. La culture elle-même était jadis limitée pour laisser le champ libre à l’art pastoral et elle ne s’est étendue que sous l’empire de la contrainte exercée par la surabondance du la population ; avec elle s’est prolongée l’appropriation privée du sol qui est d’ailleurs absolue pour les champs de la vallée plantés de vignes et d’oliviers. Nous trouvons donc bien ici la confirmation de cette loi sociale que l'appropriation du sol a lieu dans la mesure imposée par la nature du travail, et qu’elle est d’autant plus accentuée que le travail doit être plus productif.

À Cervara les femmes sont reines ; c’est à elles qu’incombent tous les travaux, mais elles règnent dans la maison et dirigent l’éducation des enfants. C’est tout au plus si, pendant l’hiver, les hommes reviennent passer trois ou quatre semaines chez eux pour faire certains travaux pénibles ; en été, si le troupeau n’est pas trop loin, ils rentrent le soir coucher à la maison.

La propriété est très morcelée, car, à la mort du père, les enfants se partagent les biens également. En général, chaque famille possède un âne et parfois quelques bêtes à cornes, mais les petits troupeaux de brebis sont devenus rares. Malgré l’exiguïté de leurs domaines les pasteurs de Cervara sont prospères si on les compare à leurs voisins, les émigrants agricoles, car ils peuvent épargner à peu près tout leur salaire ; le territoire fournit assez de blé et les impôts communaux sont peu élevés, grâce aux revenus des bois et des pâ-