Page:Roy - Bigot et sa bande et l'affaire du Canada, 1950.djvu/127

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lettre confidentielle et chiffrée du 12 avril 1759 au maréchal de Belle-Isle, ministre de la guerre, Montcalm va plus loin. Il accuse directement M. Le Mercier. Lisons sa lettre :

« Les transports sont donnés à des protégés. Le marché du munitionnaire m’est inconnu comme au public : on dit que ceux qui ont envahi le commerce sont de part. Le Roi a-t-il besoin d’achats, de marchandises pour les Sauvages ? Au lieu d’acheter de la première main, on avertit un protégé qui achète quelque prix que ce soit : de suite M. Bigot les fait porter au magasin du Roi, en donnant 100 et même 150 pour 100 de bénéfice à des personnes qu’on a voulu favoriser. Faut-il faire marcher l’artillerie, faire des affûts, des charrettes, faire des outils ? M. Mercier (Le Mercier) qui commande l’artillerie est entrepreneur sous d’autres noms ; tout se fait mal et cher. Cet officier, venu simple soldat il y a vingt ans, sera bientôt riche d’environ 6 ou 700,000 livres peut-être un million si cela dure ».[1]

Cette lettre de Montcalm ouvrit peut-être les yeux du maréchal de Belle-Isle sur ce qui se passait dans la colonie. Mais il était trop tard ; le Canada était déjà perdu pour la France quand le ministre lut la lettre de Montcalm.

Plus que cela. À l’automne de 1759, les autorités de la colonie décidèrent d’envoyer un délégué

  1. Dussieux, Le Canada sous la domination française, p. 372.