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UNE PAIRE DE COQUINS

ce crime. Beaucoup se dirigeaient vers l’auberge de la rue Notre-Dame.

La justice avait visité cet endroit, et, par égard pour MM. de la Vérendrye et de Noyelles, au lieu de les faire appeler au Fusil d’Argent, lors du commencement de l’enquête, le juge les avait priés de se rendre à son bureau pour recevoir leur témoignage.

Ils n’eurent pas à attendre une minute quand ils se présentèrent chez le magistrat. Ce fonctionnaire était inconnu de Joseph, qui avait vécu trop longtemps hors de Ville-Marie, mais tel n’était pas le cas pour Pierre. Les deux hommes échangèrent un salut amical.

— À mon regret, messieurs, dit le représentant de la justice, je suis obligé de vous déranger. Comme vous le savez, un crime a été commis : l’un des Mandanes, de passage dans nos murs, a été assassiné la nuit dernière. Ses confrères crient vengeance ! Ce sont des alliés que nous voulons conserver, et je suis chargé de découvrir le coupable et de le punir sévèrement. Je ne vous retiendrai pas longtemps ; nous allons commencer tout de suite.

Raffermissant ses lunettes sur son nez, il commença son interrogatoire, tandis que maître Lanouiller, son clerc, inscrivait rapidement les réponses.

Il est inutile pour nous de reproduire le récit que Joseph et Pierre firent de ce meurtre.

Seulement, quand ils eurent terminé leurs dépositions, un événement se produisit qui causa une grande surprise à tout le monde — excepté à Lanouiller.

On heurta à la porte du cabinet du juge, et lorsque le greffier ouvrit, on lui remit un pli cacheté, qui venait d’être apporté par un inconnu. Cette missive portait le nom de Sieur Varin, sub-délégué de monsieur l’Intendant.

L’on comprendra facilement la stupéfaction de cet homme, en y lisant une accusation directe d’assassinat contre les sieurs Louis-Joseph de la Vérendrye et Pierre de Noyelles.

C’était bien cela ; on accusait ces deux messieurs d’avoir tué le sauvage Mandane.

Le juge ne pouvait en croire ses yeux, et il relut le court billet devant lui. Les termes ne pouvaient être plus précis. On y donnait même un mobile.

— Messieurs, dit le juge aux deux jeunes gens, je viens de recevoir cette lettre qui, il est vrai, est anonyme. Je vais vous étonner certainement en vous apprenant qu’on vous y accuse d’être les auteurs du forfait de la nuit dernière.

Pierre et Joseph eurent un geste d’horreur, et allaient protester énergiquement contre une accusation aussi infâme, mais le magistrat leur imposa silence, d’un signe de la main.

Il continua :

— Je me hâte de vous dire que je n’en crois pas un mot. Votre réputation est trop bien connue pour que je vous soupçonne un seul instant ; sans compter que vous avez des témoins dans la personne de vos serviteurs pour établir votre présence chez M. de Longueuil et