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EN ROUTE POUR LE NORD-OUEST

bien tournée leur fit grandement valoir la bonté que le roi son maître avait de les faire visiter et de pourvoir à tous leurs besoins.

Il fut écouté religieusement, mais quand il cessa de parler, les sauvages, selon leur habitude, lui demandèrent des présents, qu’il n’accorda qu’en partie, car il n’y avait pas moyen de les satisfaire.

De Noyelles, émerveillé de tout ce qu’il voyait, ne s’étant jamais aventuré aussi loin de Ville-Marie, avait souvent recours aux lumières de M. de la Vérendrye pour des explications qui lui étaient très intéressantes et très instructives.

Le commandant représenta à ces nations combien M. le général leur père était peiné relativement à la guerre qu’ils ne cessaient de faire aux Sioux ; que s’ils voulaient donner des preuves de leur soumission et de l’obéissance qu’ils devaient à un bon père, il fallait qu’ils discontinuassent d’aller en guerre contre les Sioux, Sakis, Puants et Renards qui n’étaient pas moins chers qu’eux à Ononthio ; que pour concilier leurs esprits leur père avait détaché M. Varin chez les Sioux et autres nations, pour les porter également à la paix et à la plus parfaite union.[1]

Il leur signifia en même temps que si, malgré ces défenses, ils persistaient à faire cette guerre, comme par le passé, ils le mettraient dans la dure nécessité de les priver des secours que les Français introduisaient chez eux avec beaucoup de peine et à grands frais. Il ajouta qu’ils ne pouvaient pas raisonnablement oublier combien était affreuse leur misère avant qu’ils eussent des Français chez eux.

La réponse des sauvages lui plut, surtout celle des deux chefs les plus considérés : mais il n’osa compter entièrement sur leur parole, et il fit bien.

Ayant pris congé de ces gens, les Français continuèrent leur route par la rivière la Pluie et le lac des Bois au fort Saint-Charles, puis, par le chemin de l’angle du Nord-Ouest à la rivière Rouge, et au fort de ce nom ; ensuite, remontant le cours de l’Assiniboine jusqu’au fort La Reine, — où est aujourd’hui Portage-des-Prairies, — il s’installa pour hiverner.

Il apprit bientôt que les sauvages réunis au fort Saint-Pierre étaient partis en guerre, mais il était trop éloigné d’eux pour les en empêcher.

Le manque de vivres que l’on avait coutume de trouver au fort Saint-Charles, ou au fort Maurepas, à l’embouchure de la rivière Ouimipik, mit le capitaine dans l’absolue et indispensable obligation de dépêcher M. le chevalier de Niverville, enseigne des troupes détachées de la marine, à la rivière Paskoyac, où, ne pouvant se rendre en canot, le chevalier fut obligé de cacher dans les bois une partie de ses vivres, et d’emporter l’autre partie avec lui sur des « tobagans » — traîneaux sauvages.

Il n’est point de misère qu’il n’éprouva ; n’ayant presque pas de vivres, il était exposé tous les jours, lui et sa troupe, à mourir de faim, n’ayant que la maigre ressource, pendant l’hiver, de quelques

  1. « Mémoire ou journal sommaire du chev. Jacq. Legardeur de St-Pierre chef de cette expédition. »