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UNE TRAHISON

main sur l’amulette de l’Aigle-Noir, et, maître du secret, il découvrirait le trésor sans tarder.

Son absence n’avait pas été remarquée, et le gredin, tout heureux, relevé de sa faction, s’en alla, sur son lit du corps de garde, mûrir ses projets de traître.

Au jour, M. de Noyelles ne mit qu’une sentinelle en faction et prit des dispositions pour recevoir les chefs Assinibouëls, qui viendraient fumer le calumet.

Vers les neuf heures, il était occupé dans sa chambre à préparer les présents qu’il donnerait pour se concilier les sauvages, quand Brossard vint lui dire que deux cents Assinibouëls environ venaient de s’introduire dans le fort. Mais ce que le traître ne dit pas, c’est que c’était lui qui leur avait donné accès dans l’enceinte fortifiée.

Ces indiens, tous armés, se dispersèrent en un instant dans toutes les maisons, et plusieurs entrèrent chez M. de Noyelles.

Il courut à eux et leur dit vertement qu’ils étaient bien hardis de venir en foule et armés chez lui.

L’un d’eux répondit en Kristinot qu’ils venaient pour fumer, ce à quoi le jeune officier leur dit que ce n’était pas ainsi qu’ils devaient s’y prendre, et qu’ils eussent à se retirer sur-le-champ.

La fermeté avec laquelle il leur parla les intimida, surtout lorsqu’il mit à la porte quatre de ces sauvages les plus résolus, sans qu’ils eussent dit un seul mot de cette façon d’être éconduits.

Au même instant, l’un des soldats vint l’avertir que le corps-de-garde était en possession des Assinibouëls et qu’ils s’étaient rendus maîtres des armes. Pierre se hâta donc de se rendre au corps-de-garde.

Il fit demander à ces sauvages, par Brossard, qui ne le lâchait pas d’une semelle, quelles étaient leurs vues, mais son interprète, qui le trahissait, lui dit qu’ils n’avaient aucun mauvais dessein. Un orateur Assinibouël, qui n’avait cessé de faire de belles harangues à l’officier, dit à Brossard que, malgré lui, sa nation voulait tuer et piller les Français.

À peine Pierre eut-il compris leur résolution, qu’il oublia qu’il fallait prendre les armes. Il se saisit d’un tison de feu ardent, enfonça la porte de la poudrière et, défonçant un baril de poudre sur lequel il promena son tison, il fit dire à ces barbares, d’un ton assuré, qu’il ne périrait point par leurs mains, mais qu’en mourant il aurait la satisfaction de leur faire subir son sort à tous.

Les braves Assinibouëls virent plutôt le tison et le baril de poudre défoncé qu’ils n’entendirent Brossard. Ils s’enfuirent à la hâte et en désordre, ébranlant considérablement la porte du fort, tant ils sortaient avec précipitation.

M. de Noyelles jeta bien vite son tison et n’eut rien de plus pressé que d’aller fermer la porte du fort.

Le péril dont il venait heureusement d’être délivré ne lui avait pas enlevé toute inquiétude ; Joseph pouvait revenir avec ses trois hommes et tomber aux mains des peaux-rouges, qui leur feraient certainement un mauvais parti.