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BROSSARD ENCORE EN SCÈNE

guerriers Assinibouëls s’éloignent à quelque distance. Je me rappelle la tentative de vos frères, l’an dernier, où ils ont voulu abuser de la bonté des blancs et s’emparer d’eux et de leur grande cabane.

Les sauvages jurèrent qu’ils n’étaient pas ceux qui avaient médité la perte des Français et le prièrent de les écouter. Ils se retirèrent vers le village des Yhatchéilinis, avec lesquels ils fraternisèrent.

Durant ce temps-là, trois chefs Assinibouëls étaient reçus au fort. Ils firent de longues harangues qui tendaient à obtenir la grâce de leurs frères.

Joseph leur répondit qu’il n’était point en état de la leur accorder, qu’ils avaient monsieur le général pour père, que celui-ci l’avait envoyé à eux ; qu’il rendrait compte à monsieur le général, et que ce dernier verrait ce qu’il aurait à faire, mais qu’ils pouvaient, néanmoins, être assurés que, bien loin de leur faire subir la peine qu’ils méritaient, il porterait, au contraire, leur père Ononthio à leur pardonner, persuadé de la sincérité de leur repentir.

Sur ce, apparemment satisfaits des paroles de Joseph, les Assinibouëls retournèrent rejoindre leurs guerriers.

Mais Joseph ne se départit pas de sa vigilance, et bien lui en prit.

Les Assinibouëls et les Yhatchéilinis se donnèrent réciproquement le calumet de la paix. Pendant cinq jours, ils se régalèrent entre eux, après quoi les premiers, se voyant beaucoup plus nombreux que les derniers, firent main basse sur eux et massacrèrent tout, hors quelques femmes et enfants qu’ils emmenèrent prisonniers.

Joseph fut témoin involontaire et impuissant de cette scène sanguinaire.

Il ne pouvait risquer sept hommes contre deux cents sauvages. Il leur envoya des coups de fusils, qui causèrent quelque dommage aux assaillants, mais ceux-ci ne tardèrent pas à décamper, dirigeant leurs pas vers le sud-ouest.

Qu’étaient devenus Pierre, le Renard et l’Écureuil ?

Reprenons notre récit au moment où, vivement ému, le Renard racontait à Pierre qu’une balle avait sifflé à quelques pouces de sa tête et s’était écrasée sur le roc, à côté de lui.

Le soleil inclinait alors au couchant.

— Les abords de notre grotte seront bien surveillés cette nuit, dit Pierre ; une sortie par là serait dangereuse, mais, à l’autre grotte, le même péril n’est pas à redouter. L’Écureuil viendra avec moi pendant que son frère veillera.

Les trois hommes avaient roulé de grosses roches à l’entrée de la première caverne, la fermant ainsi presque hermétiquement. Il n’y avait pas à craindre que l’inconnu du dehors pût les renverser et s’introduire dans l’intérieur de leur retraite.

Et Pierre, sans plus tarder, se rendit à la chambre du trésor.

Là, il expliqua au jeune Yhatchéilini ce qu’il attendait de lui.

Armés chacun d’une hachette et d’un levier de bois ils agrandirent l’ouverture qu’avait remarquée Pierre.

Une demi-heure suffit à ce travail, et les deux hommes se glissèrent dehors. Ils se trouvaient au fond de la coulée.