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Page:Roy - Le secret de l'amulette, 1926.djvu/31

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Il n’y avait pas à craindre que les Français s’endormissent, cette fois ! Seulement, pour tromper leur gardien, qui mettait le nez dans la porte de temps en temps, ils simulèrent un profond sommeil.

Au milieu de la nuit, ils entendirent un bruissement. La porte de leur cabane s’ouvrit silencieusement, et, une forme indistincte se coula à l’intérieur.

L’Aigle-Noir revenait selon qu’il l’avait promis. Il s’approcha de la Vérendrie et lui souffla quelques mots à l’oreille.

— Visage pâle, lui dit-il ; en souvenir de ce que tu as fait pour mon frère, l’Aigle-Noir vient vous libérer, mais il faut agir prudemment. Je veux vous sauver, mais si mon projet était connu ou soupçonné l’on aurait soin de l’entraver. Je vais commencer par couper vos liens, puis, nous sortirons d’ici et vous vous jetterez sur le gardien ; vous devrez l’empêcher de crier, le bâillonner et le jeter ici, à votre place, et je vous conduirai à la rivière, dont nous habitons les rives. Montés dans vos canots encore chargés de leur cargaison, vous continuerez votre voyage et je protégerai votre fuite.

Et l’Aigle-Noir, d’un geste rapide, tranchait à chacun les liens qui paralysaient leurs membres.

Le projet d’évasion du chef sauvage s’accomplit heureusement, et ce fut avec des sensations indéfinissables de gratitude envers Dieu, que nos amis s’éloignèrent à la hâte de ce lieu qu’ils croyaient devoir être si funeste à leur projet.

Ils nagèrent toute la nuit et le jour suivant, et ce ne fut que lorsque la fatigue s’empara d’eux complètement qu’ils voulurent atterrir et se reposer, tant ils avaient redouté de tomber au pouvoir des barbares qu’ils venaient de quitter.

Dès lors, les Français se gardèrent mieux, mais ce fut la seule épreuve que Dieu leur envoya avant d’atteindre les Montagnes Rocheuses.

Si le lecteur consulte une carte moderne du Nord-Ouest, en partant de l’embouchure de la rivière Saskatchewan, il verra un endroit où se lit : « Rocky Mountain House ».

À l’automne de 1751, c’est là que débarquèrent les dix hommes partis du fort Paskoyac, le 29 mai précédent.

Le site sur le côté nord de la rivière était bien favorable pour l’emplacement d’un poste militaire. La rivière faisait là un coude, et, le terrain figurait un vaste plateau. Aussi, M. de la Vérendrie jugea-t-il la place excellente pour la construction d’un fort.

Tout le monde se mit à l’œuvre avec ardeur et, en peu de temps, on y établit un poste fortifié qui reçut le nom du gouverneur de la Nouvelle-France : La Jonquière !

X

UNE TRAHISON

Du fort La Jonquière, par une journée ensoleillée, l’œil humain apercevait, bien loin, au sud-ouest, les Montagnes Rocheuses. Un peu plus au nord, la rivière de la Saskatchewan, comme un ruban argenté flottant au gré de la brise, s’arrondissait et se déroulait à travers le pays, en de capricieux méandres.

Ce cours d’eau prenait certainement sa source dans les monts perdus à l’horizon.

La construction du fort, avait occupé, pendant trois semaines la petite bande courageuse et, lorsque tout fut terminé, de la Vérendrie attendit M. de Niverville qui, au fort Paskoyac, lui avait promis de le suivre à un mois de distance.

Deux jours après que les travaux de construction du poste furent complétés, Brazeau, homme brave et d’expérience à la rude vie des bois, s’approcha de son premier officier et lui dit :

— Mon capitaine, maintenant que nous n’avons plus rien à faire, nous permettriez-vous à quelques-uns d’entre nous d’explorer les alentours et de rapporter du gibier, s’il en vient à la portée de nos fusils, et que nous l’abattions ?… Ce serait une recréation qui nous ferait grand bien.

Joseph acquiesça et voulut même conduire les chasseurs.

Il avait son dessein, dont nous nous doutons bien. En chassant et explorant le pays voisin, il découvrirait probablement la mine d’or mentionnée dans les papiers secrets, légués par le Bison mourant.

À cet effet, il choisit trois de ses hommes, des plus sûrs, fidèles, et résolu de partir le lendemain. Il n’y avait pas de temps à perdre parce qu’il voulait être au fort quand M. de Niverville arriverait.

Il confia la charge du poste à M. de Noyelles et lui recommanda de faire bonne garde.

— Tu n’es pas assez expérimenté pour te mesurer avec les rusés peaux-rouges, lui dit-il, en partant. Ne leur donne pas accès au fort durant mon absence. Contente-toi de communiquer avec ceux qui viendront, — s’il