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L’OUBLIÉ

De même, l’auteur de L’Oublié ne s’abandonne pas assez aux multiples impressions que les spectacles extérieurs font naître dans une âme, ni non plus ne communie assez intimement avec cette nature qui, on le sait, sympathise avec nos joies et nos tristesses. Elle éprouve bien la douceur de ces secrètes relations, mais elle ne fait le plus souvent que laisser entrevoir la merveilleuse harmonie qui s’établit entre les êtres et nous, quand nous souffrons ou quand nous sommes heureux.

« Une joie étrange l’envahissait, la pénétrait, et comme pour exprimer cette joie divine qui débordait en larmes silencieuses, la voix du rossignol s’éleva tout à coup sous l’épaisse feuillée[1] ».

Ce n’est pas pourtant que Laure Conan manque de sensibilité. Elle en est douée, et d’une très tendre et très fine, mais c’est à d’autres objets, nous le savions déjà, que l’auteur d’Angéline de Montbrun sait l’appliquer.

Ce qu’en effet Laure Conan aime à étudier, à comprendre, à analyser, c’est l’âme humaine, c’est toute cette multitude infinie de sentiments qui s’y cachent et s’y révèlent, discrets et charmants tout ensemble, timides et généreux, qui s’enveloppent à la fois de pudeur et de bonté, qui se découvrent comme à regret, et n’apparaissent que pour exhaler leurs parfums et nous pénétrer de leurs suaves influences. Rappelez-vous donc Angéline, Maurice Darville et la bonne Gisèle Méliand. Et rapprochez de ces âmes celles d’Elisabeth, de Lambert, de Maisonneuve et de Mlle Mance.

Donc, ce que Laure Conan aime surtout à faire en ses livres, c’est de la psychologie. Oh ! rassurez-vous. Elle ne pose ni n’étudie aucun de ces problèmes ardus où s’enfonce la courageuse pénétration de Paul Bourget ;

  1. L’Oublié, p. 42.