l’on nous annonce un roman, et qu’on nous avertit que nous tenons dans nos mains un roman, nous en voulons un. Et nous ne pouvons nous déclarer satisfaits d’une intrigue dont le tissu, trop clair, couvre de mailles trop souvent rompues tout autre chose que ce que l’on attendait.
Non pas, certes, que nous demandions à l’auteur des aventures piquantes, comme l’on en rencontre trop dans le roman contemporain, et qui alimentent les curiosités malsaines ! Un roman messianique doit, moins que tout autre, offrir à l’imagination ces dangereuses pâtures, et M. Routhier n’aurait certes pas voulu commettre une telle faute contre les convenances et le seul bon goût. Mais, pour craindre, sans doute d’aller trop loin, il ne s’est pas assez risqué ; et, vraiment, l’intrigue de son roman nous paraît avoir ce grave défaut d’être trop inconsistante et de ne pas assez émouvoir le lecteur. C’est un fil si léger, si ténu que ce récit des amours de Caïus et de Camilla ! Il disparaît si souvent à travers l’étoffe plus forte des descriptions, des études d’histoire, des discussions religieuses, des souvenirs de voyage, que nous sommes parfois étonnés de le retrouver à tel moment rare du livre, et que nous n’osons plus prendre dans nos mains ce fil, ni nous confier encore à lui, assurés qu’il va nous échapper tout à l’heure, quand nous tournerons la page.
Et les héros principaux du roman, Caïus et Camilla eux-mêmes, et Gamaliel, et Myriam, et Onkelos, et Pontius Pilatus, et enfin Jésus, n’ont pas assez de contact, pas assez de rencontres, pas assez d’intérêts semblables ou opposés, et même ils n’ont pas assez de vie personnelle, originale et caractéristique, pour que de leurs relations mutuelles puisse résulter une intrigue qui les pose, qui les coordonne et qui aussi les subordonne. C’est l’histoire, c’est la géographie, c’est la question religieuse, c’est l’Évangile qui remplissent le livre : et l’on devait s’y attendre. Mais on voudrait que l’histoire, que la géographie, que la question religieuse, que l’Évangile