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ANDRÉ LAURENCE

ou dans le nuage, sont souvent d’une qualité qu’il ne faut pas mésestimer, fût-on banquier corpulent, commerçant richissime ou fonctionnaire de tout repos.

Il y a assurément beaucoup de naïveté dans la pensée d’un André Laurence qui croit qu’après sa licence ès lettres, il pourra vivre de ses livres à Paris. Et l’auteur aurait pu l’empêcher de pousser aussi loin sa chimère : et il aurait pu aussi mettre en Jacqueline, qui paraît d’ordinaire assez équilibrée, une vue plus juste des choses.

La « question intellectuelle » ou, si l’on veut, la formation donnée chez nous par nos professeurs des collèges classiques, est liée, dès le début du roman, au sujet. Et cette formation écope largement dans les premiers chapitres d’André Laurence. Derrière la façade du collège Sainte-Marie, où l’on ne sut pas donner à André une véritable formation intellectuelle, où l’on enseignait mal le grec et le latin, et où le professeur de lettres ne soupçonna jamais en quoi consiste la beauté littéraire, derrière cette façade il me semble voir groupées et offertes aux flèches de la critique, toutes nos maisons d’enseignement secondaire. Le jugement de monsieur Dupuy — pourquoi ne pas nous en apercevoir ? — correspond assez exactement à celui de beaucoup de Canadiens français qui n’ont gardé de leurs années de collège que les mauvais souvenirs, et qui majorent copieusement les réelles déficiences de notre enseignement secondaire.

Nous nous garderons bien d’affirmer que la formation littéraire et scientifique fut toujours dans nos collèges ce qu’elle aurait dû être. Nous avons déjà écrit le contraire, et nous écrivions ce que nous pensions. Mais nous croyons aussi que la condamnation brève, que l’exécution sommaire de M. Dupuy ne donne pas une idée juste de l’effort réel et contrarié de nos maisons classiques, ni non plus du succès certain obtenu chez nous