certaines évolutions de l’action n’en seraient que mieux expliquées et plus vraisemblables. Mais le jeune lyrique, l’étudiant aux rêves divins qui souffre des médiocrités de la vie matérielle, qui ne laisse qu’avec répugnance traîner un moment son vol sur les comptoirs d’une banque, et qui fait le geste héroïque, étant placé entre la fortune bourgeoise et son rêve, d’opter pour le rêve, ce jeune enthousiaste des lettres est en somme bien campé dans le roman. Jacqueline a moins de personnalité que lui, et je crains qu’elle n’en ait pas assez. M. Dupuy n’a pas suffisamment pénétré dans son âme féminine et bonne : elle n’est qu’une silhouette trop pâle sur le fond de la scène. Les personnages secondaires, le bourru et pratique M. Lambert, Thibaut l’employé servile et jaloux, Marchand le sceptique qui ne croit qu’à la noce et au confort, tous ces êtres passent rapides et précis sous nos yeux. Mais Madame Lambert est trop effacée, trop sacrifiée en toute l’affaire.
M. Dupuy écrit en une très bonne langue, et c’est chez nous un mérite qu’il faut remarquer. Ce licencié ès lettres de la Sorbonne a de la culture et de l’art, son vocabulaire est juste, varié. On y pourrait relever une demi-douzaine d’expressions qui détonnent sur l’ensemble par leur inutile audace. La phrase est brève, claire, assez souple et vive dans le dialogue. On n’y relèverait qu’assez rarement des tours obscurs ou négligés. L’image est d’ordinaire bien en place, provoquée par le récit ou la pensée plutôt que par le souci de paraître. Lisez la dernière page, émue et délicate, du livre, sur laquelle se profile le laboureur de Varennes.
Bref ! M. Dupuy a des qualités d’écrivain. Je souhaite que la suite d’André Laurence fasse voir en une âme d’artiste tout ce qu’elle peut contenir, à côté du rêve nécessaire, de réalités utiles. Les poètes inutiles à la répu-