douceur, de la bonté et un grand besoin d’affection. Le moindre événement avait en lui d’excessives résonances ; et son imagination, trop vive, les amplifiait encore avec vigueur.
« Il cachait alors sous sa taciturnité, sous le couvercle solidement maintenu de son silence, une nature très riche. Il éprouvait les attraits opposés de plusieurs existences, le conflit d’énergies qui ne travaillaient pas à la même fin. Quel apaisement s’il avait pu former un dessein unique, le poursuivre brutalement et sans pitié, malgré tous les obstacles, comme son oncle Syfroid, le notaire, par exemple ; ou s’il ne s’était senti des aptitudes que pour une existence ! Elles auraient cessé, ces vacillations qui l’emportaient à gauche, puis à droite et le fatiguaient.
« Pour ne rien laisser en lui d’inemployé, vivre chacun des rêves qui gonflaient son cœur unique, n’aurait-il pas eu besoin de plusieurs corps ? Un jour, il devrait choisir. Alors il serait obligé de comprimer des désirs, étouffer des forces précieuses ou des affections. Ce serait une mutilation.[1] »
Dans cette âme multiple, au moins double, où il y avait du terrien et du nomade, c’est le voyageur qui dictera la suprême réponse au problème de la vie. À la passion des aventures, au désir de changements et d’indépendance, à l’irrésistible poussée de l’instinct vers des horizons nouveaux et vers une fortune plus lointaine, Vincent sacrifiera son amour sincère ; il mutilera son cœur et sa vie. Et Josephte, un matin froid d’automne, verra s’éloigner celui qu’elle aime d’une flamme douce et consumante ; elle suivra, de ses yeux qui ne peuvent pas pleurer, le jeune homme qui s’en va…
Ceux qui aiment à poursuivre tout le long d’un roman les incidents et les transports d’une passion vio-
- ↑ P. 92-93.