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LES ANCIENS CANADIENS

te le merveilleux des Anciens Canadiens. Or, José, c’est le domestique, le vieux et fidèle serviteur des d’Haberville ; mais c’est aussi le type du bonhomme crédule, qui joint ensemble, par je ne sais quelle alliance bizarre et pourtant vraisemblable, beaucoup de bon sens et beaucoup de naïveté. José est une des créations les plus originales et les plus vivantes de Gaspé, et c’est lui qui va remplir deux longs chapitres du livre avec les véridiques histoires qu’il tient de « son défunt père qui est mort », François Dubé.

Presque toutes les superstitions de José tiennent dans la croyance aux sorciers et aux poursuites nocturnes et macabres de la Corriveau. Mais il adhère à ces dogmes populaires de toute la force des traditions familiales, et il les expose avec toute la sincérité d’un professeur de spiritisme. D’ailleurs, Jules et Arché, ces deux jeunes philosophes sans expérience, n’essaient-ils pas, au sortir même du collège d’où il les ramène, et sur la longue route de Saint-Michel, où l’on aperçoit sans cesse à gauche, au milieu du large fleuve, l’île d’Orléans, séjour classique des sorciers, n’essaient-ils pas de discuter sur la nature de ces esprits, et ne cherchent-ils pas, comme d’impies rationalistes, à expliquer par des causes naturelles ces feux follets que nos habitants de la rive sud voient le soir courir et s’agiter sur les grèves de l’île enchantée ? Lumières des pêcheurs, qui, pendant les nuits sombres, s’en vont avec des flambeaux faire la visite des filets, avait dit Jules ; ou bien gaz enflammés qui s’échappent parfois des terres basses et marécageuses !

Véritables êtres surnaturels, reprend José, qui s’appuie sur les récits de son père, François Dubé, lorsque, pendant les longues veillées, il contait à ses enfants et à ses amis ses tribulations, et qu’il les faisait frissonner comme des fiévreux, tant ses histoires étaient vraies et terrifiantes ![1] Il les avait bien vus, les sorciers, un soir qu’il

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