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ROMANCIERS DE CHEZ NOUS

teur de Jean Rivard aurait pu fixer pour l’instruction des lecteurs de la ville, et aussi pour tous les lecteurs d’aujourd’hui, tant de détails, tant de vieilles habitudes, tant de traits charmants de nos anciennes moeurs agricoles ! Il ne l’a pas fait, croyant, à tort, que le récit de ces « diverses opérations » aurait été fastidieux. Et le chapitre qu’il a consacré à la première récolte, privé de ces développements et de cette couleur locale, un peu terne dans ses récits austères, n’est guère rempli que des calculs les plus précis et les plus pratiques. Il arrive même que l’auteur y parle un peu de tout, excepté de la récolte. De celle-ci il retient seulement, et il apprend au lecteur, ce qui peut le mieux engager les jeunes gens à suivre Jean Rivard dans la forêt, à savoir le chiffre exact et merveilleux des minots qu’ont rapportés les arpents de terre que Jean avait semés en blé, en avoine, en orge, en sarrasin, en pois, en patates et en légumes. Ce procédé, sans doute, se prête mal aux narrations artistiques ; mais c’est tout de même une façon assez ingénieuse de peindre l’homme d’action que fut Jean Rivard, que de nous le faire voir riche des fruits de son travail, entouré de tous ces quatre-vingts minots de blé, cent soixante minots d’avoine, quarante minots d’orge, mille minots de légumes, etc., qui font à ce tableau le plus rustique ornement. Et cela nous donne comme une première esquisse de ce chapitre tout plein de chiffres séducteurs, que Gérin-Lajoie intitulera plaisamment : « Un chapitre scabreux. »

Puis Gérin-Lajoie, aussi fier que Jean Rivard du produit de sa première récolte, entonne tout aussitôt un hymne au travail, où le lyrisme ne s’élève un moment que pour raser encore le sol où le retient évidemment la pensée du prosateur. Et ce chapitre composite se termine par une pressante exhortation adressée aux jeunes gens que l’oisiveté ennuie ou corrompt, qui redoutent le travail comme l’esclave redoute sa chaîne, et qui, pour ne pas se faire colon comme Jean Rivard, ignorent de quel bonheur ils sont privés !