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LA MAISON DE SALABERRY À CHAMBLY



C HARLES-Michel de Salaberry, le héros de Châteauguay, avait épousé, à Chambly, le 14 mai 1812, Marie-Anne-Julie, fille de Jean-Baptiste-Melchior Hertel de Rouville, seigneur de Rouville, Chambly, Saint-Olivier et autres lieux, et de Marie-Anne Hervieux.

Deux années après son immortelle victoire de Châteauguay, le lieutenant-colonel de Salaberry fut mis à la demi-paye.

« Il n’eut plus l’occasion de se distinguer, dit M. L.-O. David. Il avait conquis tous les grades que l’Angleterre pouvait accorder à un soldat catholique et canadien français ; la protection même du duc de Kent n’aurait pu le faire sortir des rangs accessibles aux médiocrités. Une telle position ne devait pas convenir à notre compatriote. Il renonça à la carrière militaire et vécut ensuite pour sa famille, s’occupant d’administrer la seigneurie que mademoiselle Hertel de Rouville lui avait apportée en dot. Il avait épousé cette noble demoiselle quelques mois avant la bataille de Châteauguay. Belle alliance, dont le duc de Kent le félicita !

« C’est à Chambly qu’il fixa sa résidence, au milieu de la population témoin de sa valeur et de sa gloire pendant la guerre. Sur la rivière Chambly, qu’on appelait le grenier du Bas-Canada, vivaient alors des familles remarquables par leur origine ou leurs talents, qui se disputaient la palme des belles manières, de la libéralité et de la fidélité aux traditions du passé. On y menait joyeuse vie ; c’était pendant l’hiver une succession de fêtes, de promenades et de fricots légendaires. On luttait à qui ferait le plus et le mieux.

« On partait le matin ; on dînait chez le seigneur Jacob ; on prenait les amis en passant, et on allait passer la soirée chez M. Cartier, à Saint-Antoine, ou chez les MM.  Drolet, Franchère et autres. Quel bruit ! Quel entrain ! On se séparait à regret, avec la promesse de se revoir bientôt.

« C’était une grande joie dans la tribu, lorsqu’on voyait arriver le brave colonel, car il n’était pas le moins bruyant, et lorsque venait son tour de chanter ou de prendre part à un cotillon emporté, à un reel favori, il ne tirait pas en arrière. Tout le monde l’admirait pour sa gloire et l’aimait pour la gaieté et l’affabilité de son caractère » [1].

  1. Le héros de Châteauguay, p. 28.