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Page:Roy - Vieux manoirs, vieilles maisons, 1927.djvu/243

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LES RUINES DU MANOIR DES AUBERT DE GASPÉ À SAINT-JEAN-PORT-JOLI



L ES touristes qui s’arrêtent au joli village des Trois-Saumons, à Saint-Jean-Port-Joli, peuvent voir l’inscription suivante, au nord de la route, placée par la Commission des Monuments Historiques :

« À quelques pieds d’ici s’élevait le manoir des Aubert de Gaspé. M. de Gaspé écrivit les Anciens Canadiens dans cette maison. »

Le manoir des Aubert de Gaspé, alors habité par feu M. Évariste Leclerc, fut incendié dans la nuit du 30 avril 1909.

Le manoir des Aubert de Gaspé, contrairement à l’opinion commune, ne remontait pas au régime français. L’ancien manoir avait été incendié par les Anglais dans l’été de 1759. Le seigneur Ignace-Philippe Aubert de Gaspé, qui servait dans l’armée, prit part aux batailles de Carillon et de Sainte-Foy. Après la capitulation de Montréal, il se retira dans sa seigneurie. La guerre l’avait presque ruiné. Ce ne fut qu’en 1765 ou 1766 qu’il put reconstruire son manoir, celui qui fut habité par son fils, Pierre-Ignace Aubert de Gaspé, et son petit-fils, Philippe-Joseph Aubert de Gaspé, l’auteur des Anciens Canadiens.

Dans les Anciens Canadiens, quand le vieux conteur parle du manoir d’Haberville, c’est de la maison seigneuriale de ses ancêtres dont il s’agit. Relisons la description du manoir des Aubert de Gaspé à Saint-Jean-Port-Joli tracée par un homme qui y avait vécu de si belles années :

« Le manoir d’Haberville était au pied d’un cap qui couvrait une lisière de neuf arpents du domaine seigneurial, au sud du chemin du Roi. Ce cap ou promontoire, d’environ cent pieds de hauteur, était d’un aspect très pittoresque ; sa cime, couverte de bois résineux conservant sa verdure même durant l’hiver, consolait le regard du spectacle attristant qu’offre, pendant cette saison, la campagne revêtue de son linceul hyperboréen. Ces pruches, ces épinettes, ces pins, ces sapins toujours verts reposaient l’œil attristé pendant six mois, à la vue des arbres, moins favorisés par la nature, qui, dépouillés de leurs feuilles, couvraient le versant et le pied de ce promontoire. Jules d’Haberville comparait souvent ces arbres à la tête d’émeraude, bravant, du haut de cette cime altière, les rigueurs des plus rudes saisons, aux grands et puissants de la terre qui ne perdent rien de leurs jouissances, tandis que le pauvre grelotte sous leurs pieds.