Page:Roy - Vieux manoirs, vieilles maisons, 1927.djvu/369

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vendit son arrière-fief de Grandpré à Guillaume Gaillard, il n’y avait encore aucune maison d’érigée dessus.

Gaillard, dans son achat, servait de prête-nom à Michel Bégon, intendant de la Nouvelle-France. Celui-ci bâtit une maison, planta des arbres fruitiers, etc., etc. Lorsque, le 12 octobre 1753, la succession de M. Bégon vendit l’arrière-fief de Grandpré à Guillaume Estèbe, le notaire Saillant donnait la description suivante de la maison construite par l’intendant :

« Une maison sise sur le dit arrière-fief au lieu appelé la Montagne de la paroisse de Charlesbourg, bâtie en pierre à deux étages et en mansarde, de cinquante pieds de front sur trente de profondeur ou environ, consistant en une cuisine où il y a une potence de fer à la cheminée, un four à côté ceinturé d’une barre de fer et un mauvais bluteau en une salle, cabinets, greniers et caves, le tout garni de chassis et de portes fermant à clefs ; derrière la maison est un petit jardin potager, et plus loin un grand verger planté de plusieurs arbres fruitiers, entouré de piquets. Item au côté sud-ouest de la dite maison est une grange de cinquante pieds de front sur trente de profondeur ou environ et une étable de pareille grandeur, le tout bâti sur solage de pierre. »

Voilà le fameux château Bigot !

Mais continuons son histoire jusqu’à la conquête.

Guillaume Estèbe conserva le château Bigot quatre ans. Le 8 septembre 1757, il le vendait à François-Joseph de Vienne, garde-magasin du Roi à Québec. Celui-ci le garda à son tour pendant sept ans. Le 8 septembre 1764, son procureur, l’abbé Pressart, le vendait à William Grant, négociant de Québec.

Comme on le voit, le nom de Bigot n’apparaît sur aucune des pièces que nous venons de citer. Nous le répétons : Bigot n’a jamais eu aucun rapport avec le prétendu château de Charlesbourg. L’intendant Bégon fut propriétaire de l’arrière-fief Grandpré pendant trente-cinq ans. Le peuple transforme vite les noms. Il n’y a pas loin de Bégon à Bigot. C’est là, croyons-nous, l’origine de la tradition qui veut que Bigot ait été propriétaire du château qui porte son nom[1].

  1. À consulter sur le château Bigot une étude de M. F.-X. Maheux dans le Bulletin des Recherches Historiques, vol. IX, p. 194.