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SON INTRODUCTION EN EUROPE 93

la plupart des jardins de l’Allemagne, tant elle est féconde[1].

» Du reste, on ne peut douter que ce ne soit la même plante dont parle Pierre Cieça, au Chapitre XL de sa Chronique espagnole. Il s’exprime en ces termes : « Aux environs de Quito, les indigènes possèdent, outre le Maïs, deux autres plantes qui constituent leur principale nourriture, lis appellent la première Papas : elle a des racines assez semblables à des Truffes, mais qui sont dépourvues de toute enveloppe plus ou moins dure ; lorsqu’elles sont cuites, elles ont la pulpe aussi tendre que de la purée de Châtaignes. On les fait sécher au soleil, et, sous le nom de Chumo on en fait une conserve alimentaire. Le fruit produit une tige qui ressemble à celle du Pavot (il faut pardonner cette comparaison à un soldat). La seconde plante est le Quinüa[2], qui s’élève à la hauteur d’un homme, et qui a les feuilles de la Blette de Mauritanie ; sa graine est petite, blanche ou rouge : on en prépare une boisson, et, après l’avoir fait cuire, on la mange comme nous le faisons du riz.

» Augustin Çarate, ainsi que Gomara, dans son Histoire générale des Indes, parlent également des Papas. Celles-ci ne paraissent pas différer beaucoup de ces racines que les Virginiens appellent Openawk[3].

» Le Légat, à ce que j’ai compris, mangeait de ces tubercules, qu’on lui préparait de la même façon que des Châtaignes ou des Carottes, pour se fortifier, parce qu’il était d’une santé très délicate. Je crois, en effet, qu’ils sont non moins nourrissants que les Châtaignes ou les Carottes, mais qu’ils sont cependant flatulents : en outre, certaines personnes les estiment comme de bons reconstituants. J’ajouterai qu’après les avoir dépouillés autant dire de leur épiderme, plutôt que de leur pellicule, car ils s’épluchent facilement, je les ai fait cuire entre deux plats, puis je les ai dégustés, après macération dans une sauce grasse de navets ou de raves et de mouton : je les ai trouvés certes non moins sapides et agréables au palais que les navets eux-mêmes. Mais j’estime qu’on ne peut les manger crus, car ils sont alors âpres et indigestes ».


  1. — Cette phrase et la précédente présentent un grand intérêt au point de vue de l’introduction de la Pomme de terre en Allemagne, et de sa réintroduction en Italie.
  2. — Il s’agit de l’Ansérine Quinoa (Chenopodium Quinoa de Willdenow).
  3. — Ce que dit ici Clusius prouve qu’il avait connaissance de la relation d’Heriot.