Page:Roze - Histoire de la Pomme de terre, 1898.djvu/204

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
190 HISTOIRE DE LA POMME DE TERRE

Peut-être ne sera-t-on pas fâché ici de prendre connaissance de quelques détails intimes sur cette Société d’Agriculture qui faisait de si louables efforts pour seconder les vues philanthropiques de Parmentier. Arthur Young, dans le récit de son Voyage en France (1787-1789), a écrit quelques lignes à ce sujet. Voici comment s’exprimait l’humoristique agronome, d’après une traduction anonyme de ce Voyage, parue en 1793.

« Le 12 Juin 1789. — J’allai à la Société royale d’Agriculture dont je suis membre, qui s’assemble à l’Hôtel de Ville : je votai et reçus un jeton, qui est une petite médaille donnée aux membres toutes les fois qu’ils y vont, enfin de les engager à s’occuper des affaires de leur institution : c’est la même chose dans toutes les Académies royales, etc., et ces jetons causent tous les ans une dépense considérable et fort mal employée, car quel bien peut-on attendre d’hommes qui ne vont là que pour recevoir des jetons[1] ? Quel que soit leur motif, la Société paraît bien suivie : il y avoit trente personnes présentes ; entre elles étoient MM. Parmentier, vice-Président, Cadet de Vaux, Fourcroy, Tillet, Desmarets, Broussonet, secrétaire, et Crété de Paluel, à la ferme duquel je fus il y a deux ans, et qui est le seul de la Société qui pratique l’Agriculture. Le Secrétaire lit les titres des Mémoires présentés et en rend compte, mais on ne les lit pas, à moins qu’ils ne soient particulièrement intéressans. Alors les membres lisent des Mémoires ou font des Rapports, et quand ils discutent et délibèrent, il n’y a pas d’ordre, mais ils parlent tous ensemble, comme dans une chaude conversation particulière. L’abbé Raynal leur a donné 1.200 livres pour un Prix sur quelque sujet important, et on me demanda mon opinion pour savoir ce que l’on proposeroit : Donnez-le, repliquai-je, pour l’introduction des Navets ; mais ils pensent que c’est un objet que l’on ne sauroit atteindre ; ils ont tant fait, et le Gouvernement a tant fait en vain, qu’ils regardent cela comme impossible.


  1. — Cette boutade exprime bien l’opinion d’un Anglais qui ne comprenait pas l’utilité de cette rémunération égalitaire, assurant l’assiduité aux séances et rétribuant en même temps les services rendus. La précédente Société d’Agriculture, qui n’était guère composée que de grands personnages du Royaume, plus honorifique qu’utile, s’était contentée de donner des prix et des encouragements, sans publier quoi que ce fût qui laissât supposer qu’elle s’était occupée, dans ses réunions, de traiter aucune question agricole.