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des fruits de leurs peines & de leurs travaux, a souvent besoin d’être retenue dans les bornes d’une juste modération. En dégraissant une ruche, il ne faut pas la dépouiller : il est utile, sans doute, d’enlever aux abeilles un superflu incommode, mais il ne faut pas les appauvrir pour s’enrichir tout-à-coup de leurs dépouilles. Lorsque l’équité & la modération règlent le partage qu’on fait avec elles, on ménage autant ses propres intérêts que ceux des abeilles : au contraire, si la cupidité sort des bornes que prescrivent la justice & la modération, on se ruine soi-même en exposant les abeilles à l’indigence.

En taillant les ruches, il faut se conduire dans cette opération selon les circonstances & le besoin des abeilles : en automne, par exemple, on doit moins prendre de leurs provisions qu’au printems, parce qu’elles ne sont plus dans une saison favorable pour réparer leurs pertes ; & d’ailleurs on les exposeroit au froid, en agrandissant leur domicile plus qu’il ne conviendroit. Les abeilles qui ont peu de provisions, dans quelque tems que ce soit, doivent être plus ménagées dans le partage qu’on fait, que d’autres dont les magasins nombreux sont bien remplis. Ce partage dépend donc beaucoup de la saison où on le fait, & de la qualité des ruches. Au printems on ne fait aucun tort à une bonne ruche de lui prendre exactement la moitié de ce qu’elle possède ; si la saison est favorable, dans peu elle aura réparé cette perte, & on pourra encore, en automne, profiter d’une partie du fruit de ses travaux. Si elle est foible, ce seroit trop, sur-tout si son domicile est vaste ; il vaut mieux lui laisser tout ce qu’elle possède, & attendre la fin de l’été, ou le commencement de l’automne, parce qu’elle aura amassé assez de richesses, si le peuple est actif & laborieux, pour qu’on puisse en profiter d’un quart ou d’un tiers au plus, sans lui porter aucun préjudice. L’année suivante, qu’elle sera bien fortifiée, on pourra, sans craindre de l’exposer à l’indigence, lever un tribut plus considérable sur ses provisions, au printems, lorsqu’elle aura fait quelques récoltes ; & peut-être qu’en automne on pourroit encore profiter d’une partie de ce qu’elle auroit ramassé pendant la belle saison.

En automne, il faut donc ménager les ruches, quoique fortes & abondamment pourvues, afin de ne pas les exposer au froid en rendant leur logement trop vaste, par la diminution de leurs provisions, ni à l’indigence, parce que l’hiver peut être doux, & alors les abeilles font une plus grande consommation. Si les ruches sont foibles, on doit leur laisser absolument tout ce qu’elles possèdent, & peut-être encore sera-t-on obligé de les assister pour prévenir la disette.


Section III.

Dans quelle saison doit-on tailler les Ruches.


M. Palteau conseille de dégraisser les ruches au mois de Juin, parce qu’alors les abeilles ont réparé les pertes de l’hiver, & ont fait des amas considérables qui remplissent la ruche, sur-tout si la saison a été favorable à la récolte du miel & de