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ouvrières, elle les excite au travail, sa présence les entretient dans l’activité, sa complaisance à recevoir leurs caresses, leur tient lieu de récompense, en même-tems qu’elle est un nouveau motif d’émulation. À peine les édifices sont construits, qu’elle y dépose le germe des nouveaux sujets qui doivent un jour augmenter la population de son empire. De tems en tems elle entre dans son sérail, où elle va prodiguer à son tour ses caresses aux faux-bourdons indolens, pour les engager à répondre à ses empressemens & à ses desirs ; elle dissipe dans les jeux amoureux, les inquiétudes inséparables du gouvernement, & les soucis que donnent les soins qu’on prend d’une nombreuse famille.

Toute sa vie se passe dans une douce captivité ; jamais elle ne quitte son domicile, à moins qu’il ne soit pas de son goût, ou qu’elle n’y trouve point les avantages qu’elle desire pour l’éducation de sa famille. Si elle sort de son palais, c’est pour prendre l’air, & jouir d’un beau soleil qui l’invite à profiter de sa douce chaleur, sans cependant s’écarter des portes de son habitation, qu’elle ne perd jamais de vue. Elle ne va point recueillir le miel, ni la cire ; ces travaux pénibles ne conviendroient pas à la dignité de son caractère, & seroient d’ailleurs incompatibles avec ses occupations journalières, qui exigent qu’elle soit continuellement au milieu de ses sujettes. La nature l’a privée des instrumens qui sont nécessaires pour ces différentes récoltes ; sa trompe n’est point assez longue pour laper le suc des fleurs ; ses jambes ne sont point conformées pour recevoir la boulette de cire qu’elle ramasseroit ; elle ne construit point d’alvéoles, pas même ceux où doit naître la famille royale ; ses dents, trop courtes, ne sont pas un instrument dont elle peut se servir avec avantage.


Section V.

De la fécondité de la Reine.


La description du double ovaire de la reine-abeille, dans lequel Swammerdam a compté cinq mille cent œufs, est une preuve évidente de sa grande fécondité, qui est peu commune dans le genre des insectes les plus connus. Quelque considérable que paroisse le nombre des œufs que ce savant naturaliste a découverts dans ce double ovaire, il avoua encore que quantité d’oviductus lui ont échappé à cause de leur extrême finesse ; & que dans ceux qu’il a pu remarquer, il n’a point apperçu tous les œufs qu’ils contenoient, quoique sa vue fût aidée des meilleurs microscopes. On peut donc supposer, sans craindre d’exagérer, que les œufs visibles qu’il a comptés, n’étoient que la moitié de ceux que contenoit le double ovaire. Une reine-abeille peut donc pondre dix mille deux cents œufs : quelque considérable que soit ce nombre, à peine est-il la cinquième partie des individus abeilles que produit une femelle dans l’espace de six à sept mois. Dans la saison des essaims, qui ne dure que deux mois au plus, il y a des ruches qui en donnent trois, qui n’ont tous que la même mère ; & elle peut les donner, si elle est bonne, sans affoiblir sa population. Je veux que ces trois essaims ne soient composés