Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1805, tome 12.djvu/282

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qualité ; le numéro 2, la seconde ; le numéro 3, la troisième ; et le numéro 4, les crottins.

Le tact et l’habitude nécessaire pour faire un triage parfait ne s’acquièrent que par une longue expérience. Il ne faut donc pas s’attendre que, dès les premiers essais, on puisse exécuter cette opération avec exactitude : le plus sûr seroit de faire venir d’Espagne un ouvrier intelligent. Un particulier que nous avons connu à Valence, ayant fait construire un lavoir dans cette ville, ne put trouver dans le pays aucun ouvrier en état de trier les laines ; il a été contraint de faire venir de Séville, des ouvriers habitués à ce genre de travail. Nous conseillons aux personnes qui auront le projet de construire un lavoir, de prendre le même parti : ce sera le moyen le plus sûr d’atteindre au but qu’on se propose.

On peut, sans doute, exécuter le lavage sans faire un triage des laines ; mais ce triage, en assimilant nos laines fines à celles d’Espagne, doit en faciliter la vente, soit en France, à l’époque présente, soit chez l’étranger, lorsqu’une quantité surabondante en permettra l’exportation. Il seroit donc bien important que le gouvernement fît construire un lavoir, et qu’il fît venir d’Espagne un ouvrier exercé dans l’art du triage. Ce seroit une école qui serviroit à propager insensiblement cet art dans les départemens.

§. XXI. Avantages qu’on peut retirer en France du lavage des laines, fait selon la méthode espagnole. C’est une coutume générale parmi nous de laver les bêtes à laine avant de les soumettre à la tonte. Cette méthode, qu’on nomme laver à dos, est bonne pour les races ordinaires, et dans les pays où l’on a l’usage de ne vendre la laine qu’après qu’elle a subi cette sorte de lavage ; mais il est de l’intérêt des propriétaires de troupeaux mérinos de faire laver leurs laines à la manière espagnole. On sait que les marchands et les fabricans déprécient les laines superfines du crû de France, et que les cultivateurs sont forcés de les abandonner à un prix au dessous de celui qu’elles valent intrinsèquement. Si ces mêmes laines étoient lavées en Espagne, et qu’elles fussent émises dans le commerce à la manière ordinaire, il est hors de tout doute que le prix auquel on pourroit les porter, et celui auquel on les vendroit, ne fussent beaucoup plus élevés. Si les commerçans profitent d’un préjugé, ou de certaines circonstances pour rabaisser le mérite et la valeur d’une denrée, il est de l’intérêt de celui qui produit cette denrée, de la soutenir à sa juste valeur. Le moyen le plus efficace que puissent employer les cultivateurs, afin de se soustraire aux astuces du commerce, c’est de ne mettre en vente leurs laines qu’après les avoir lavées à la manière espagnole. Lorsqu’elles paroîtront ainsi sur les marchés, l’acquéreur sera forcé de les apprécier d’après leur qualité réelle, et le vendeur cessera d’être dupe ; et, si les laines du crû de la France sont aussi bonnes et aussi fines que celles d’Espagne, elles seront payées le même prix que celles-ci.

L’introduction en France de la méthode espagnole ne seroit pas moins utile aux intérêts de l’agriculture et des fabriques, qu’à celui de chaque individu qui se livre à l’éducation des mérinos. Ce seroit un bon moyen de propager avec rapidité sur toute la surface de la France cette race précieuse, et par cela même de donner un grand essor au genre de fabrication qui a le plus d’étendue, et qui doit occuper le premier rang parmi nous.

D’ailleurs, cette méthode est simple et facile, et à portée des gens de la campagne qui seront en état de la pratiquer,