Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1805, tome 12.djvu/283

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lorsqu’on leur aura donné l’instruction nécessaire. Elle est même économique, puisqu’elle exige beaucoup moins de temps et de bras que le lavage à dos. Il y a des lavoirs en Espagne, dans lesquels on lave dix mille livres de laine par jour ; et il suffit d’employer trente à trente quatre ouvriers pour l’exécution de ce travail. Que l’on compare le temps et le nombre de personnes nécessaires pour laver à dos une pareille quantité de laine, et l’on n’hésitera pas à donner la préférence au lavage espagnol.

Ce sont ces motifs qui nous avoient portés, dans notre premier voyage en Espagne, à examiner avec soin les opérations du lavage, d’autant qu’elles étoient inconnues en France, et que personne n’en avoit donné la description. C’est ce que nous avons fait dans notre Traité des bêtes à laine, cité plus haut. Comme nous avons observé de nouveau ces opérations dans un second voyage, et que leur importance exige n’elles soient exposées dans un Cours complet d’Agriculture, nous allons remplir ici cette tâche.

Nous croyons devoir observer, avant d’entrer en matière, que la construction d’un lavoir étant une chose inconnue en France, elle demande des soins et des dépenses auxquels les particuliers d’une fortune médiocre ne se livreront pas facilement. D’ailleurs, les laines fines ne sont pas encore assez communes, et les avantages du lavage espagnol ne sont pas assez appréciés, pour qu’un particulier qui voudroit construire un lavoir pût espérer de trouver un dédommagement sur la quantité de laines qu’on lui donneroit à laver. Ce n’est qu’avec le temps qu’une entreprise de cette nature peut être lucrative ; il n’y a donc que des propriétaires riches, ou qu’un gouvernement promoteur de l’industrie, qui puissent l’entreprendre. Malheureusement les propriétaires aisés dédaignent parmi nous de se livrer aux travaux de l’agriculture.

Nous devons donc former des vœux pour que le gouvernement prenne en considération un objet si important pour l’agriculture, l’industrie et le commerce.

La localité la plus favorable pour la construction d’un lavoir seroit aux environs de Paris. C’est dans les départemens voisins de cette capitale que se trouve la majeure partie des troupeaux de mérinos, élevés sur le sol de la république. Paris est d’ailleurs, en ce moment, la ville de France où il se fait le plus grand commerce de laines fines. Les acquéreurs habitent cette capitale, et les vendeurs y sont attirés par mille circonstances.

Mais, quel que soit le lieu que l’on choisisse, il est nécessaire d’y établir en même temps un marché où les cultivateurs, qui ont des parties de laine trop peu considérables pour mériter les frais et la surveillance qu’exige un lavage, trouvent un débouché auprès des marchands qui se présenteront sur les lieux ; de manière que les laines pourront être vendues soit avant, soit après le lavage[1].

§. XXII. Description des lavoirs espagnols. Lorsqu’on se propose de faire construire un lavoir, on doit choisir un emplacement avec des eaux abondantes et de bonne qualité. Les eaux limpides, et celles qui dissolvent bien le savon, sont les meilleurs pour le lavage des laines. On préfèrera donc celle des rivières, des ruisseaux, ou des fontaines.

  1. Un des commerçants les plus distingués de Paris, auquel j’ai communiqué mon idée sur l’établissement d’une foire de laines aux environs de la Capitale, l’avoit déjà conçue ; et il se propose même de l’exécuter en l’an 13. Il choisira probablement, pour la tenue de cette foire, le village de Passy, situé à l’une des portes de Paris.