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elle laisse par les naseaux des écoulemens de matière lymphatique plus ou moins épaisse et plus ou moins abondante, selon les saisons, selon les alimens qu’on donne aux animaux, et enfin selon l’exercice qu’on leur fait faire ; le fait est que la morve simple n’empêche pas qu’on ne retire d’un cheval un bon service, et que c’est un meurtre, une barbarie de le faire sacrifier.

On ne doit donc condamner que les chevaux en qui on reconnoîtra le flux visqueux par un ou deux naseaux, du côté de la tuméfaction des glandes lymphatiques ; le trouble des humeurs du globe, le gonflement de la paupière inférieure, le boursouflement des os du nez ou des maxillaires, les chancres à la membrane pituitaire, la cloison cartilagineuse perforée, la difficulté de respirer, le marasme, des engorgemens aux jambes, au fourreau ; et ces symptômes doivent être réunis la plupart. Il est des sujets forts et robustes, qui résistent long-temps aux causes déterminantes de la morve, et chez qui les effets marquent toute leur vie, sans les empêcher de rendre de bons services, et sans altérer d’ailleurs leur santé.

Cette morve simple n’est même souvent que symptomatique. M. Dupuis, cultivateur à Mitry, près Clayes, département de Seine et Marne, a amené à l’École un très-beau cheval de charrette de la valeur de 25 à 30 louis, qui avoit eu les os du nez fracturés sous la muserole du licol. Cet animal cornoit à faire peine ; on ne voyoit pas d’où venoit ce cornage. M. Chaumontel a abattu ce cheval ; couché, il étoit prêt à suffoquer ; il lui a fait la trachéotomie pour faciliter son examen ; il lui a appliqué plusieurs couronnes de trépan sur les sinus frontaux et sur les sinus maxillaires. N’ayant rien trouvé, il a fait un nouvel examen quelques jours après ; il a trépané les os du nez sur la partie enfoncée par la muserole ; là, il a trouvé une végétation adhérente à la face interne des os du nez, formée par l’expansion de l’os, et par beaucoup de vaisseaux, qui constituoient des chairs fongueuses, ressemblant à un polype. Ce corps extrait, l’animal n’a plus corné, mais il est devenu glandé, chancré : il a beaucoup jeté ; plusieurs engorgemens farcineux se sont manifestés. Dans cet état, M. Dupuis l’a abandonné, étant jugé par lui, et par beaucoup d’autres, morveux au dernier degré, et par conséquent incurable. M. Chaumontel a constamment pansé les plaies avec de l’eau acidulée tiède ; il a injecté de la teinture d’aloès intérieurement : l’animal n’a plus corné, le flux a disparu, les engorgemens se sont dissipés et parfaitement guéris. Au bout de six semaines, il a écrit à M. Dupuis de venir chercher le cheval qu’il avoit abandonné.

Un cheval fort et bien constitué, qui n’a point été soumis aux causes débilitantes, montre quelques symptômes de morve, ils cèdent et disparoissent avec la maladie dont ils dépendent.

La manière d’élever les jeunes chevaux dans tous les pays de pâtures humides, comme nous l’avons déjà dit, est si vicieuse, que nous devons lui attribuer la majeure partie des maladies chroniques qui affectent généralement les chevaux de ces pays ; c’est pourquoi ils réussissent mal dans les corps de cavalerie, et aux différens usages auxquels on les soumet à Paris. Ce fait est encore une preuve en faveur du principe que nous admettons.

Résumé La morve pourroit bien n’être pas contagieuse, et son invasion sur plusieurs individus voisins ne semble due qu’à des causes auxquelles ils participent en commun.

Ces causes sont toutes celles qui affoiblissent le sujet à la longue, et dont l’effet paroît dès qu’il arrive un arrêt de transpiration.

Enfin la morve simple, celle qui est