Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1805, tome 12.djvu/343

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ment moins de matière nutritive. Mais ne sait-on pas qu’en Égypte, où les terres sont extrêmement fertiles, et où le blé est aussi substantiel qu’en Normandie, les œufs sont infiniment plus petits que ceux que nous tirons de la Picardie, par la raison que les poules y sont d’une espèce très-petite ?

J’ai en expérience, à Vaugirard, cent poules, parmi lesquelles se trouvent réunies les différentes espèces qu’on entretient dans les fermes ; toutes sont au même ordinaire, et je remarque que le volume des œufs est constamment en raison des espèces qui les produisent.

Après avoir séparé de ma peuplade volatile douze des poules dont les œufs étoient les moins gros, j’ai augmenté progressivement leur nourriture, et ces œufs n’ont pas acquis plus de volume que ceux des mêmes espèces et du même âge, qui vivent en commun dans ma basse-cour.

L’espèce de poule entre donc pour beaucoup dans la grosseur des œufs ; les alimens ici ne sont que secondaires ; ils peuvent bien, dans une proportion convenable, soutenir, accélérer même la ponte, mais jamais augmenter sensiblement le volume des œufs, parce que ce caractère est de l’essence de l’oiseau qui les fournit.

Il y a des races de poules qui donnent d’aussi gros œufs que les dindes, mais la ponte n’en est pas aussi considérable ; d’autres n’offrent pas moins d’intérêt, quoiqu’elles fassent des œufs d’une dimension moindre, parce que la quantité dédommage du volume : telle est, par exemple, celle qu’on appelle la poule commune, à cause de la préférence qu’on lui donne dans la plupart des pays. Les variétés, qui ont un plumage frisé et les pattes emplumées, doivent, malgré les éloges qu’on leur a prodigués, être proscrites d’une basse-cour utile ; les premières, parce qu’ayant la peau à découvert, elles sont plus facilement affectées du froid, et moins empressées à pondre ; les secondes, à cause de l’humidité qu’elles apportent au poulailler avec leurs pattes, ce qui les rend inhabiles à la ponte et sujettes à la vermine.

Le pays de Caux possède deux variétés de poules, l’une huppée, d’un plumage varié, donnant de gros œufs, mais en petit nombre ; l’autre noire, portant une petite crête, et pondant beaucoup et de beaux œufs ; ce sont deux fortes variétés également bonnes pour élever des poulets dont on fait souvent des poulardes et des chapons. Madame Chaumontel a observé, relativement aux huppes et aux crêtes, que plus la nature a fait de frais pour décorer les poules d’une superbe coiffure, moins elles pondent, et vice versa.

À la vérité, la poule huppée de Caux et la grande flandrine, sont celles que la main des curieux a le plus travaillées ; mais il faut convenir que si une basse-cour n’étoit peuplée que de ces poules, assurément très-agréables à la vue, leur entretien deviendroit trop dispendieux ; d’abord elles donnent des œufs en moindre quantité, coûtent davantage de nourriture, ne pondent pas aussi long-temps, ont la vie plus courte, et ne prospèrent pas partout comme les poules de la race commune. La poule flandrins est plus délicate à manger, parce que, pondant encore moins que la poule commune et la poule huppée, elle prend plus de graisse. La poule de Caen est préférable pour fournir des poulets, des chapons et des poulardes. Ce sont donc ces trois espèces de poules qui rapportent le plus de profit, qu’il faut s’attacher à élever dans les cantons bien situés, pour en favoriser la perfection et le commerce.

Les parties des départemens de la Seine-Inférieure et du Calvados, connues sous les noms de pays d’Auge et de pays de Caux, présentent deux branches assez considérables de commerce d’œufs et de poulets ; les œufs y sont vendus ordinairement deux sous la pièce pour la couvaison, parce qu’on donne une grande extension à l’éducation des poulets qui, sous le nom de poulets de grains, poulets gras, coqs vierges, poules vierges, gelines ou gelinottes, chapons gras, sont enlevés pour Paris à l’âge de cinq, six et sept mois, et fournissent à la capitale les plus excellentes volailles.

En suivant la ponte des poules communes comparativement à celle des poules désignées ci-dessus, j’ai remarqué que, quoique leurs œufs fussent moins volumineux, elles en donnoient constamment au moins la moitié plus : c’est donc cette espèce qu’il faut multiplier le plus, parce que le produit en est plus considérable. Laissons aux amateurs le soin d’élever toutes ces poules étrangères qui figurent aujourd’hui dans les basses-cours de luxe, et qui semblent destinées seulement à récréer la vue ; on s’est beaucoup trop occupé des formes, et il n’est pas résulté, des croisemens entrepris jusqu’à présent, de métis plus féconds en œufs, que les poules communes. J’observerai que Madame Chaumontel qui, dans sa basse-cour à Créteil, près de Chareuton, où elle n’avoit que de la petite volaille, a introduit des poules et des coqs du pays d’Auge