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rougeâtres mêlés de jaune ; ils rendent les mets préparés avec les œufs de poule, dans lesquels ils entrent, plus fins et plus délicats.

La nature ne connoît qu’une seule race de dindons. L’industrie de l’homme n’a créé que des bigarrures dans les couleurs, en croisant les blancs avec les noirs ; mais l’œuf ne change ni de forme, ni de volume, ni de qualité.

Œufs de cane. La coque paroît plus lisse et plus mince, plus arrondie aux deux extrémités, que celle des œufs dont il a été question jusqu’à présent ; elle est colorée d’une teinte verdâtre ou d’un blanc terne ; le jaune est gros et assez foncé : cuit à la mouillette, le blanc ne devient pas laiteux, il acquiert une consistance de colle transparente, un œil opale, et un goût un peu sauvageon.

La très-grande facilité d’avoir, dans certains cantons marécageux, des œufs de cane sauvage, a fait penser à l’avantage qu’il y auroit de renouveler, tous les quinze ans, la race primitive. Les premiers individus de la première génération sont, à la vérité, un peu plus petits que nos canards domestiques ; mais, à la seconde, et sur-tout à la troisième, ils deviennent au moins aussi gros, ils ont la délicatesse des canards sauvages et la graisse de nos barboteux. On connoît certains endroits en France, où leurs habitans sont à portée de faire, en été, d’amples provisions d’œufs de canes sauvages. Ils sont une ressource utile pour les Irlandais qui les amassent par milliers et les consomment sous toutes les formes, à l’instar des œufs de poule.

Comme la cane est en général une excellente pondeuse, qu’elle peut faire de suite cinquante à soixante œufs ; que cet oiseau voyage sans cesse, et se multiplie volontiers dans presque toutes les parties du monde par les croisemens, on conçoit que ses œufs doivent varier en couleur et en volume, sans néanmoins changer de qualité.

Œufs de pintade. Ils font exception à la loi générale qui établit que le volume des œufs dépend assez ordinairement de celui des femelles. Les pintades, plus grosses que les poules communes, pondent néanmoins de petits œufs, mais en assez grand nombre.

Obtus par les deux bouts, les œufs de pintade ont assez constamment la coque épaisse et dure ; leur surface est lisse et présente trois couleurs, gris, rose et verdâtre, avec des points blancs sur ceux de la pintade sauvage, au lieu que les œufs de pintades domestiques sont couleur de chair plus ou moins foncée.

On remarque que le jaune, toutes choses égales, est plus considérable que le blanc ; l’un et l’autre se trouvent recouverts dans l’intérieur d’une pellicule membraneuse plus tenace.

Œufs de poule. Ce sont les plus communs et les plus universellement usités, parce que la femelle prospère dans tous les cantons, qu’elle vit de tout, s’accommode de tous les climats et de tous les aspects, qu’elle pond sans interruption pendant quatre à cinq mois, et que ses œufs sont sans contredit, au jugement de ceux qui ont eu l’occasion de les examiner et de les comparer entr’eux, les plus délicats à manger.

Le volume des œufs de poule varie considérablement ; il y en a depuis la grosseur des œufs de dinde jusqu’à celle de l’œuf de pigeon, selon l’espèce de poule et l’âge ; mais tous sont d’une bonne qualité, et les seuls qui, lorsqu’ils sont frais et cuits à la coque, présentent le fluide laiteux qui s’épaissit bientôt par le temps, et se perd dans la masse de l’albumen, ou du moins n’en est plus séparé par une cuisson de deux à trois minutes.

On ne connoît guères que les œufs de poule dans le commerce ; les autres sont consommés pour la reproduction de l’espèce, ou pour des usages particuliers que nous indiquerons, lorsqu’il s’agira de considérer ce produit des ovipares comme aliment.

Ce qui influe sur le volume des œufs. En adoptant l’opinion que les alimens pouvoient contribuer au volume des œufs, on a cherché à augmenter et à varier la nourriture des pondeuses ; mais les tentatives à cet égard ont eu un résultat absolument contraire à ce qu’on espéroit. En doublant la ration des poules, elles passent quelquefois à la graisse, pondent peu, et donnent souvent des œufs hardés ou sans coquille, parce que le phosphate calcaire qui la compose ne se sécrète point dans l’oviductus. Il y a des poules qui font des œufs sans jaune, et le vulgaire s’imagine que ce sont des œufs de coq ; mais c’est une vieille erreur que de supposer des œufs dans des coqs ou pondus par des coqs, tantôt sans jaune, et tantôt sans blanc, d’où l’on faisoit venir le basilic. Il n’est plus permis aujourd’hui d’écrire pour détruire de pareilles absurdités, l’expérience et la raison en ont fait justice.

Quelques auteurs ont prétendu que, si les œufs de la ci-devant Picardie étoient sensiblement moins gros que ceux de la ci-devant Normandie, cette différence provenoit de ce que les grains recueillis dans la première de ces deux provinces contenoient spécifique-