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place, à la vérité, pour les ramener au centre, mais à elle seule appartient ce soin.

Un œuf décidément clair, et un œuf fécondé, pondus tous deux à la même date, présentés à la lueur d’une bougie ou plongés dans l’eau froide, n’offrent aucune différence ; ce qui est conforme aux observations de Bonnet, qui prétend que le germe est formé avant la fécondation, et que les œufs croissent et se développent dans les poules vierges. Il n’y a donc absolument que la chaleur de l’incubation qui puisse faire connoître si le germe est fécondé ou non, parce que, dans ce dernier cas, l’œuf reste clair, tandis que, dans l’autre, il est déjà louche quelques heures après la couvaison. Malpighi a même vu, dans une liqueur cristalline, un cercle blanchâtre auquel aboutissoient de petits canaux ; mais, quarante heures après, il a vu clairement les battemens, et au bout de six jours les plumes formées sur la peau dont le poulet est recouvert. On ne s’est pas seulement persuadé qu’on pouvoit, en plaçant l’œuf entre une lumière et l’œil, appercevoir la fécondation du germe, on a même cru qu’il étoit possible de distinguer le sexe de l’oiseau à la position où étoit placé ce germe : si, à l’un des bouts de l’œuf, on remarque un vide sous la coque, il contient, dit-on, un mâle ; si, ce vide est de côté, c’est une femelle. On ne sauroit douter que, dans cette circonstance, on ait encore pris le vide occasionné par l’évaporation insensible de l’humidité pour le germe, car l’expérience n’a pas confirmé cette prétendue observation.

Tantôt le besoin de renouveler la volaille d’une basse-cour exige des femelles ; tantôt l’intérêt d’un débit avantageux de chapons fait souhaiter des mâles. Cette double circonstance a fait sentir combien il seroit utile de pouvoir décider, à la simple inspection de l’œuf, le sexe de l’oiseau qu’il renferme. On a cru, dans la plus haute antiquité, que la forme allongée et pointue aux deux bouts annonçoit la présence d’une femelle, et celle arrondie aux deux extrémités, des mâles : c’est même une vieille tradition d’Aristote ; mais Pline dit littéralement le contraire. Cependant le sentiment de ces deux naturalistes a eu par la suite des partisans, et nous voyons dans des ouvrages très-modernes ce moyen proposé comme infaillible.

Ayant remarqué qu’une poule faisoit des œufs pointus par un bout, je la mis à part pour comparer entr’eux tous les œufs qu’elle pondroit ; ils se ressembloient à peu près, et lorsqu’il y en eut douze, je les donnai à couver à une autre poule, et j’obtins de cette couvée des mâles et des femelles dans les proportions ordinaires. On sait que les gallinacées sont polygames, c’est-à-dire qu’elles produisent plus de femelles que de mâles.

J’ai répété la même expérience sur les œufs arrondis aux deux extrémités, et les coqs ne se sont pas trouvés en plus grand nombre que dans la première couvée.

Je conclus de ces deux expériences que si une fille de basse-cour pouvoit conserver dans sa mémoire la forme du premier œuf, et la poule qui l’a pondu, elle pourroit reconnoître l’auteur de chaque ponte.

Cette forme, à laquelle on a attaché tant d’influence, appartient au moule et à la constitution de la femelle ; l’œuf éprouve dans l’oviductus des formes variées, et, comme on l’a déjà observé, la différence de ces deux extrémités n’a d’autre origine que la compression différente à laquelle il est soumis, suivant les points de la surface exposée successivement aux contractions de l’intestin qui s’est débarrassé.

Moyen de multiplier les œufs sans augmenter le nombre des poules. Lorsque les hommes eurent apprivoisé les oiseaux qu’ils destinoient à peupler leurs basses-cours, ils firent tous leurs efforts pour forcer les poules à pondre une grande partie de l’année. Ils furent alors en état d’apprécier les ressources qu’elles pouvoient leur procurer seulement en œufs ; ils durent désirer de rendre aux poules la faculté de pondre, faculté qui se trouvoit suspendue chez elles pendant le temps de la couvaison, l’éducation des petits, et la rigueur de l’hiver.

Parmi les moyens mis en œuvre pour augmenter la production des œufs, sans augmenter le nombre des poules, ni consommer plus de nourriture, plusieurs ont eu quelques succès. Le premier de ces moyens a été de confier le soin de l’incubation à des dindes ; leur singulière aptitude à remplir cette fonction, et l’ampleur de leur corsage, les mettent en état d’embrasser une beaucoup plus grande quantité d’œufs que les poules ordinaires, et de conduire le double de poussins. Ce moyen pratiqué dans la plupart de nos fermes a déjà réussi complètement. Il répond en même temps à cette objection : savoir, que les femelles ne vouloient couver que leurs propres œufs, et qu’il n’y avoit que ceux-là qui donnoient beaucoup d’élèves. Ainsi les cultivateurs qui veulent avoir une grande quantité d’œufs et de poulets, ne connoissent pas de procédé plus simple et plus économique.

Le second moyen consiste à avoir un cer-