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tain nombre de chapons qu’on détermine à couver, à supporter la compagnie de quelques poulets, et insensiblement à en conduire jusqu’à quarante ou cinquante.

Le troisième moyen, c’est celui de faire éclore les œufs sans le concours de leurs mères, de développer l’embryon qu’elles renferment en imitant le procédé que le hasard a indiqué, et qui se réduit à choisir un local dans lequel les œufs reçoivent la même température que la femelle qui les a pondus, et pendant un temps égal à celui dont ils auroient eu besoin pour éclore sous ses ailes : cette méthode a donné lieu à un art qui est en usage à la Chine, et sur-tout en Égypte.

Ces différens moyens sont praticables partout ; mais il vaut mieux profiter tout simplement de la disposition naturelle qu’ont les femelles des oiseaux domestiques à faire plus d’œufs qu’elles ne peuvent en couver. Plusieurs faits attestent même que des chasseurs sont parvenus à faire pondre aux oiseaux sauvages, aux perdrix, par exemple, un nombre infiniment plus considérable d’œufs qu’elles n’en produisent ordinairement pour leurs couvées.

On sait que les poules communes, après avoir donné dix-huit à vingt œufs, s’en tiennent là, et annoncent la plupart le besoin qu’elles ont de couver, par un cri différent de celui par lequel elles manifestent l’envie de pondre. L’expérience a prouvé que, pour les déterminer à pondre, il faut leur montrer un œuf figuratif, et, lorsqu’elles sont en train de pondre, leur ôter les œufs à mesure qu’elles viennent de les déposer : trompées alors par cette supercherie, elles continuant de pondre ; en voyant leurs nids vides, il leur semble pondre pour la première fois.

La poule n’est pas la seule femelle de la basse-cour qui puisse fournir à une ponte soutenue et prolongée ; il est possible d’obtenir cette admirable fécondité des canes, des dindes et des oies ; mais on court les risques de les énerver, et il n’est pas rare de les voir s’épuiser, vieillir et mourir avant le temps. C’est ainsi que, par des procédés particuliers, on vient à bout de faire produire aux arbres plus de fruits qu’ils n’en donnent ordinairement ; mais plus on leur en fait porter, plus leur perte est certaine et prématurée.

L’alouette qui pond à terre, ainsi que les autres oiseaux pulvérateurs, font quatre, cinq ou six œufs par couvée, plus ou moins, de même que ceux qui nichent dans les haies, dans les buissons ou sur les arbres. Si, quand on apperçoit leurs nids, avant qu’ils aient commencé leur incubation, on leur ôte leurs œufs et qu’il n’en reste plus qu’un, alors la mère pondra successivement d’autres œufs jusqu’à ce qu’elle ait son nombre déterminé. Elle ne pondra pas, à la vérité, autant que les gallinacés, mais elle doublera, triplera même le nombre ordinaire. Épuisée par cette surabondance, elle finit par n’en couver qu’un, si on ne lui en a pas laissé davantage. Il seroit bon d’examiner si, après avoir fait pondre quinze à dix-huit œufs à l’alouette, par exemple, on les lui remettoit tous pour couver, comment elle s’y prendroit pour suffire à l’éducation de cette nombreuse et extraordinaire famille.

Il y a parmi les oiseaux des espèces qui, dans l’ordre de la nature, ne pondent que cinq à six œufs pour leur couvée ordinaire, mais qui en font un nombre beaucoup plus considérable quand elles y sont excitées par un moyen quelconque. Anderson rapporte que l’oie à duvet ou d’Islande, connue sous le nom d’eider anas mollissima, est d’une fécondité telle, quand elle est provoquée, que les habitans du pays plantent un piquet dans le milieu du nid, et que la femelle pond jusqu’à ce que ses œufs excèdent la hauteur du piquet, afin de pouvoir s’accroupir et les couver ; mais cette ponte surabondante et forcée, en supposant qu’elle ait lieu, fait bien souvent périr l’oiseau.

La faculté que les femelles des oiseaux domestiques ont de faire plus d’œufs qu’elles n’ont le moyen d’en couver, est commune aux oiseaux sauvages. L’autruche, pour nous borner à ne citer qu’un exemple, offre le même phénomène ; sa couvée, suivant quelques voyageurs, est communément de dix œufs. Les sauvages qui, quand ils en découvrent, n’ont garde de les enlever tous, parce qu’ils les regardent comme une friandise, n’en prennent qu’un ou deux à la fois, bien convaincus que, quand l’oiseau a complété son nombre, il en pondra de nouveau : tous les jours ils renouvellent leur escamotage ; enfin, si dans cette maraude ils emploient l’adresse et les précautions convenables, ils peuvent faire pondre à l’autruche jusqu’à soixante œufs et même davantage. Ne pourroit-on pas profiter de ce moyen d’augmenter la ponte en retirant les œufs à mesure qu’ils sont déposés, si ce n’est pour profiter de la subsistance que les œufs procurent, du moins pour avoir un plus grand nombre d’oiseaux qu’il seroit utile de propager ? Cependant il conviendroit de