Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1805, tome 12.djvu/347

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s’arrêter, lorsqu’il s’agiroit de faire couver, parce que, fatiguées par une ponte longue et soutenue, les femelles n’auroient plus assez de forces pour y pourvoir : d’ailleurs, on arriveroit insensiblement à une époque de la saison où l’éducation des petits deviendroit nécessairement difficile et languissante.

Il s’en faut bien que les poules demandent toutes à couver après leur première ponte, beaucoup n’en montrent pas la moindre envie ; des recherches suivies, pour tâcher d’en pénétrer la cause et soulever le voile qui couvre l’essence de cette fonction créatrice, n’ont encore rien appris de positif à cet égard, et ce sera long-temps peut-être un mystère pour l’homme ; mais l’inconvénient dont il s’agit n’en seroit pas un pour celui qui ne voudroit recueillir que des œufs, comme nous l’avons déjà fait remarquer ; son propre intérêt sera de tempérer cette disposition, et, au moyen des précautions que nous venons d’indiquer, les poules recommenceroient à faire à peu près autant d’œufs que dans la première ponte, en supposant toutefois que la saison ne soit pas trop avancée. Ainsi débarrassées des poussins, libres et rendues à elles-mêmes, elles emploiroient les cinquante jours au moins que ces deux fonctions prennent sur leur ponte à faire vingt-cinq et trente œufs, sans exiger plus de soins et de nourriture.

La parcimonie et la prodigalité à l’égard des volailles doivent être également évitées ; les poules mal nourries ne pondent guères plus que celles qui le sont trop. La première année, il est vrai, leur nourriture ne sauroit être trop abondante, parce qu’elle sert à former leur tempérament, et on remarque que, quand elle n’a pas été trop ménagée pendant l’hiver, la ponte qui précède est prolongée et donne beaucoup d’œufs ; mais il faut aussi la régler pour maintenir cette faculté de faire des œufs : on doit être sur-tout attentif à les bien nourrir pendant le mois qui précède la ponte du printemps, afin que le chapelet ovaire, au moment où il se forme, soit bien garni, et que la ponte puisse, sans efforts, commencer de bonne heure. Il est encore nécessaire que le matin, au sortir du poulailler, les pattes des poules ne soient pas dans l’humidité froide, qu’elles aient dans le jour un peu de fumier chaud ; qu’elles puissent gratter, se vautrer et s’exercer sur le sol un peu ameubli dans un fonds dur et sec : car, oisives, elles s’appesantissent aisément et cessent de pondre. Que l’endroit où elles se retirent soit plutôt trop petit que trop grand et à l’aspect de l’orient ; que dans le jour, quand il fait beau, cet endroit reste ouvert pour en exhaler l’air de la nuit, et qu’il soit fermé la nuit pour y conserver la chaleur et en interdire l’accès aux renards, aux putois, etc. ; que les nids où elles pondent soient abondamment garnis de foin, plus favorable que la paille, parce qu’il est plus souple, plus délié, plus doux, plus chaud et moins sujet à engendrer la vermine. J’ai remarqué que plus les poules se trouvent serrées à côté les unes des autres, dans un espace circonscrit, plus elles s’échauffent, s’électrisent et font d’œufs, et vice versâ.

On connoît le goût décidé qu’ont les poules et la plupart des oiseaux pour les œufs crus ou cuits ; ce goût est non seulement dispendieux, mais il est suivi encore de graves inconvéniens ; il faut donc tâcher de le réprimer, et empêcher que les œufs ne deviennent la proie de leurs propres mères. Pour cet effet, on doit éviter de leur jeter les coquilles entières, qu’elles mangent aussi avec avidité, dans la crainte de les accoutumer à manger les œufs, et ne permettre sur-tout l’usage de cette matière calcaire que pour tempérer leur propension à la graisse : alors il convient qu’elle soit déformée, c’est-à-dire concassée, et mêlée au manger des poules. Je préfère les coquilles d’œufs à la brique pilée ou à la craie, conseillées dans les livres pour opérer un semblable effet.

Si, comme il est démontré, on peut, sans aucun inconvénient, animer les poules à la ponte, les moyens de tempérer les désirs qu’elles manifestent pour couver sont également dans nos mains. Il s’agit de ne les employer qu’à propos, de ne laisser dans le nid aucun signe figuratif de l’œuf, de les en chasser quand elles s’obstinent à le garder sans pondre, de les plonger dans un bain d’eau froide, de diminuer de leur nourriture et d’y faire entrer de l’avoine plutôt que du chènevis qui anime à la ponte, ou plutôt que du sarrasin qui favorise décidément la graisse ; en subrogeant l’avoine, non seulement ce grain diminue la disposition à l’obésité, mais augmente encore la production des œufs. Quelquefois la poule éprouve de grandes difficultés à faire son œuf : on en facilite la sortie, en introduisant quelques grains de sel dans l’anus.

Une autre pratique adoptée dans quelques cantons de la ci-devant Flandre, plus efficace encore et dont le succès n’est pas équivoque, pour faire perdre tout à coup à la poule l’ardeur qu’elle montre pour couver, ou conduire ses poussins, ou pour l’amener tout naturellement