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naît dans le bas des pousses. Si on n’accoloit pas, le raisin toucheroit à terre, ne jouiroit point assez des rayons du soleil, de sa lumière, de sa chaleur, & surtout du courant d’air. En un mot, comme la chaleur est modérée dans ces provinces, & qu’il y pleut souvent, le raisin pourriroit avant sa parfaite maturité.

En Bourgogne, où l’excellent pineau forme un cep plus grêle, plus effilé que ceux des provinces supérieures, il auroit encore plus à craindre la pourriture, puisqu’il seroit plus enterré, ou du moins il porteroit plus complettement sur la terre. Le bourguignon remédie à ce défaut essentiel par des palissades de deux pieds de hauteur, formées avec des échalas, contre lesquels il accole la vigne, & lui sert surtout à la plier en demi-cercle, afin d’empêcher l’effet du canal direct de la séve ; aussi elle monte plus épurée aux raisins, & en moins grande abondance. Cette manière d’accoler est préférable à la première. Ici le raisin n’est jamais surchargé de feuilles, il reçoit le soleil de toutes parts, parce que les ceps sont plus espacés entr’eux que dans les environs de Paris ; & comme les sarmens & les jeunes pousses sont étendues contre la palissade, le tout ensemble a moins d’épaisseur, & fait moins d’ombre que dans le premier cas. Là, une vigne vue de loin, par sa verdure ressemble à un pré, & on ne distingue point le sol ; toutes les pousses sont accolées ensemble par leur sommet, & servent, pour ainsi dire, de parasols aux raisins, sans parler de l’étonnante humidité qu’elles retiennent ; aussi sur dix années, il y en a sept où le raisin est pourri avant d’être mûr.

Le troisième ordre de vignes, toujours en approchant du midi, est formé par des ceps forts & vigoureux, hauts de dix-huit à trente pouces. Chaque corne est taillée, a un chargeon de deux yeux au plus, & un arrière-chargeon pour la rebaisser l’année suivante. Ici, les sarmens sont plus forts, plus nourris que dans les provinces supérieures ; ils ne sont pas accolés & les raisins ne touchent point à terre. Les pluies d’automne sont préjudiciables à ces vignes ; & les sarmens & les feuilles qui recouvrent le raisin en manière de voûte, les empêchent de mûrir aussi complettement qu’ils l’auroient fait, si les sarmens avoient été accolés à des échalas.

Le quatrième ordre comprend les vignes accolées à des échalas de cinq à sept pieds de hauteur. Le cep a deux pieds de hauteur ; les sarmens qu’il pousse sont accolés contre le haut de l’échalas, & le cep lié à l’échalas, ainsi que la partie du sarment de l’année précédente, laissée lors de la taille pour en produire de nouveaux. À Côte-Rôtie, à l’Hermitage, les ceps sont espacés entr’eux à trois pieds de distance ; chaque cep a son échalas ; & trois échalas réunis par leur sommet, & liés ensemble, forment un trépied. Le raisin reçoit le soleil de tous les côtés, & il est environné d’un grand courant d’air. Dans le Bordelois, chaque cep a son échalas, & dans quelques cantons de cette province,