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Ces écussons poussèrent à merveille au printems, & pendant l’été suivant, de sorte qu’en automne ces amandiers étoient quelquefois garnis de feuilles, pendant que les amandiers ordinaires en étoient dépouillés. On ne pouvoit pas concevoir une plus belle espérance ; cependant ceux que je fis lever de la pépinière pour les mettre en place, moururent. La plupart de ceux qui étoient restés dans la pépinière, poussèrent passablement l’année suivante ; mais ils moururent dans le cours de la troisième année : je dis la plupart, car deux de ceux-là ont subsisté pendant plusieurs années, & m’ont donné de fort beau fruit. On ne peut pas attribuer le mauvais succès de ces greffes au manque d’analogie dans les parties solides ni dans les liqueurs, parce que la reprise de ces greffes avoit été des plus heureuses ; mais encore parce que l’on greffe tous les jours, & avec un succès pareil, les pêchers sur des amandiers & sur des pruniers.

J’ai remarqué, continue M. Duhamel, que la greffe d’amandier prenoit beaucoup de grosseur, & que l’extrémité de la tige du prunier restoit fort menue, de sorte qu’il se formoit au bas de la greffe un gros bourrelet : d’ailleurs, il est prouvé par l’expérience que l’amandier pousse de meilleure heure au printems, & qu’il croît plus vîte que le prunier ».

M. Bernard, dans son mémoire couronné par l’académie de Marseille sur cette question : Quelle est la meilleure manière de cultiver l’amandier, & quels sont les moyens, s’il y en a, de suspendre la fleuraison sans nuire à la durée de l’arbre, à l’abondance des récoltes, & à la qualité des fruits, est de l’avis de M. Duhamel ; mais M. Bernard décide-t-il la question sur la parole d’autrui, ou d’après sa propre expérience ? c’est ce qu’il ne dit pas.

Aux expériences décourageantes de M. Duhamel, on doit en opposer d’autres bien propres à ranimer l’espérance ; ce sont celles de M. le baron de Tschoudi, observateur très-exact & très-instruit. Voici comment il s’explique au mot Amandier, dans le premier volume du supplément du Dictionnaire Encyclopédique. « M. Duhamel assure que l’amandier réussit même dans les terres fortes, pourvu qu’elles soient profondes. Mon expérience est contraire à la sienne. J’ai dans une terre compacte un amandier dont l’écorce est ridée, les bourgeons maigres & noirs, & qui n’a jamais fleuri, quoiqu’il ait déjà onze ans. J’en ai d’autres qui ne font pas plus de progrès dans une terre légère, substantielle & profonde, mais qui tient de la nature des terres blanches ; au reste, notre climat (l’Alsace) peut contribuer à ce mauvais succès. Je ne puis y élever d’amandiers que dans des terres pierreuses, & à l’abri des mauvais vents ; il n’y a même que ceux greffés sur pruniers qui fleurissent bien ; ils me réussissent aussi en espalier ».

Malgré l’espèce de démonstration résultante des expériences de M. Duhamel, malgré les inductions à tirer de celles de M. de Tschoudi, la question n’est point encore com-