Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1781, tome 1.djvu/580

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considérable pour faire la charge d’un homme, un nègre tient des deux mains les liens, & emporte le tout sur ses épaules & sur son dos. Quelques-uns ont des balandres plus étendues, & qu’on remplit par conséquent du double : alors un bâton assez long traverse les anneaux des quatre liens, & deux nègres chargent le tout sur leurs épaules pour le porter aux cuves. Il faut, le plus qu’il est possible, hâter le transport du champ à l’indigoterie, ne pas trop presser & fouler l’herbe dans les balandres, parce que cette plante est si disposée à la fermentation, que pour peu qu’on attendît, la fermentation s’établiroit, s’échaufferoit fortement, & enfin prendroit feu. Le commencement de fermentation hors de la cuve fait perdre beaucoup de parties colorantes, & nuit à leur qualité.

M. Quatremer Dijonval, dans son Mémoire sur l’indigo, couronné en 1777, par l’académie royale des sciences de Paris, décrit très-bien la préparation qu’il exige ; c’est d’après lui, & d’après l’ouvrage de M. Monnereau, que je vais tracer le plan du travail.

1o. Du trempoir ou pourrissage. Il faut avoir trois cuves dans un attelier couvert, ou au moins abrité des principales injures du tems, & quelques particuliers les ont exposées en plein air. Ces cuves en maçonnerie forte & solide, sont construites sur un plan incliné, & forment un amphithéâtre, afin que la plus élevée dégorge par sa base dans la seconde, & celle-ci dans la troisième. (Voyez au mot Huile, la description du moulin de recense, & la gravure qui explique l’opération : les cuves pour l’indigo sont disposées comme celles de la recense.) La plus élevée se nomme trempoire ou pourriture. Sa forme est ordinairement quarrée, sa longueur de dix pieds sur neuf de largeur & trois de profondeur. Sur deux côtés opposés, sont fortement assujetties en terre deux grosses pièces de bois équarries ; elles excèdent la hauteur de la maçonnerie, assez pour pouvoir passer avec facilité, dans les trous qu’on a pratiqués dans leur partie supérieure, des traverses de bois qu’on retire ou pousse à volonté. Ces traverses, ou coulisses, appelées clefs, empêchent les planches ou palissades, dont la trempoire est recouverte, d’être soulevées par l’herbe en fermentation.

Lorsqu’on apporte l’herbe des champs, des nègres l’arrangent paquets par paquets dans la trempoire, & observent qu’il ne reste point de vide, & qu’elle ne soit pas trop serrée. Trente ou quarante paquets suffisent pour la cuve dont on a donné les proportions. Lorsque la cuve est chargée, on introduit une quantité d’eau suffisante pour la remplir à six pouces du bord, & aussitôt on dispose les palissades, & elles sont assujetties par les clefs.

La fermentation s’établit aussitôt ; elle s’annonce par une prodigieuse quantité d’air qui se dégage avec bruit, & par une multitude de grosses bulles qui se succèdent, & elle s’exécute de la même manière que celle du raisin dans la cuve ; mais elle est plus rapide & plus tumultueuse. Toute l’eau qui surnage, prend à la superficie de la cuve une teinture verte très-caractérisée. Lorsque la couleur verte est au plus