Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1782, tome 2.djvu/207

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l’une sur l’autre, doit, ce me semble, les frapper & les engager à corriger les défectuosités de celles dont ils se servent.

Les cultivateurs des pays où l’on laboure tout le terrain, soit avec des bœufs, soit avec des chevaux, ne pourront pas se figurer qu’il existe en France beaucoup de cantons où l’on ne travaille qu’à la bêche. C’est à ces cultivateurs que je propose de faire des essais sur un arpent ; par exemple, de calculer la dépense pour bêcher ce champ à un pied de profondeur, & de calculer ensuite le produit de ce même champ, comparé avec la dépense. Il faut convaincre, non par le raisonnement, mais par l’expérience. Le tableau de comparaison exige que le cultivateur prenne un arpent dont la terre soit parfaitement égale à celle de l’autre arpent, & qu’il mette en ligne de compte les frais du labourage avec les bœufs ou les chevaux, & de leur nourriture pendant toute l’année, & celle de ses valets, &c.

Si on veut avoir une idée du tems qu’un homme mettra à bêcher une mesure quelconque d’un terrain, M. le marquis de Poncins va la donner. Au mois d’Août 1777, il fit mesurer dans sa terre de Magnien-Hauterive, en Forez, deux métérées, l’une à côté de l’autre, portant chacune deux cents cinquante-six toises quarrées, dans un terrain de même nature, doux & profond. Il fit bêcher ces deux métérées, l’une à la profondeur de dix-huit pouces, sur une tranchée avec la bêche (Fig. 4), & l’autre à la profondeur de deux pieds, sur deux tranchées, avec la bêche d’un pied (Fig. 3). Il employa le même pionnier, homme de force ordinaire, à bêcher l’une & l’autre, & ne le quitta pas depuis le lever du soleil jusqu’à son coucher, jusqu’à ce que les deux ouvrages fussent finis. Il mit vingt jours à miner, sur deux tranchées & à deux pieds de profondeur, la première métérée, avec la bêche d’un pied (Fig. 3), & il employa seize jours pour bêcher l’autre métérée, & à la même profondeur de deux pieds, avec la bêche de dix-huit pouces. La seconde a par conséquent, pour de semblables travaux, l’avantage d’un cinquième du tems, & d’un cinquième moins de dépense ; enfin en dix jours de tems, un homme bêche une mesure de terre de deux cents cinquante-six toises quarrées, en se servant de la bêche d’un pied pour la culture ordinaire. C’est de ce point dont il faut partir, pour calculer la dépense des expériences proposées ci-dessus.

Il résulte, pour le cultivateur, des avantages sans nombre du travail à la bêche. 1o. Le tiers de son terrain n’est pas sacrifié en prairies destinées pour la nourriture des animaux.

2o. La première dépense est de 40 à 50 sols par bêche, tandis que l’achat des chevaux, ou des mules, ou des bœufs est ruineux.

3o. Une bêche peut servir au moins deux ans, en la faisant travailler, tandis qu’il faut compter de l’autre côté, & l’intérêt de la mise en argent pour l’achat des chevaux, &c. & la diminution de leur prix lorsqu’ils vieillissent, & leur maladie, & leur ferrure ; enfin,