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portugais, auxquels chacun d’eux paye aujourd’hui une légère redevance. Ce qui existoit dans ces tems reculés, subsiste encore sur le même pied ; & en 1731, le gouvernement espagnol fit imprimer & distribuer un code de loix entier en faveur des bergers & des troupeaux. Rois, princes & ministres, accordez de la considération & des récompenses, & vous changerez la face de l’agriculture ; vous seuls pouvez opérer cette heureuse révolution, d’où dépend la richesse réelle d’un état.

Le mot berger est générique, & on en distingue de plusieurs classes. Le véritable berger est celui auquel on confie la conduite d’un troupeau, de plus ou moins de bêtes, appartenant au propriétaire d’une métairie : il est nourri & payé à gages.

La seconde classe comprend ceux qui n’ont point de gages, & qu’on nourrit, mais qui ont en propriété un certain nombre de bêtes mêlées avec celles du maître. Cette méthode est vicieuse ; nous le prouverons tout-à-l’heure.

La troisième renferme les bergers des communautés ; c’est-à-dire, ceux qui sont chargés de veiller & conduire toutes les bêtes à laine d’une paroisse dans les champarts ou dans les communaux ; enfin, de ramener sur le soir à chaque particulier, le nombre de bêtes qui lui a été confié le matin.

Dans la quatrième, on peut placer les femmes, les vieillards & les enfans qui conduisent de petits troupeaux séparés.

Lorsque le troupeau est nombreux, un berger ne suffit pas ; on lui donne un aide ou pâtre, que dans quelques provinces on appelle un pilliard.

Ne permettez jamais à un berger, sous quelque prétexte que ce soit, d’avoir des bêtes en propriété ; c’est le moyen le plus sûr de ruiner un troupeau. S’il en a, observez que le berger est celui de tous les valets de la ferme qui paroît manger le plus. De là est venu le proverbe : Il vaut mieux le charger que de le remplir. Cet homme adroit, sous une enveloppe grossière, escamote avec la plus grande dextérité les morceaux de pain, & ses poches servent de gibecières. Ce n’est pas tout : ils vont jusqu’à partager celui destiné pour les chiens. C’est avec ces provisions, que dans les champs ils alimentent les bêtes qui leur appartiennent. Si dans une terre il se trouve quelques places chargées d’herbes nourrissantes, soyez assurés que ses bêtes seules en profiteront. Si le troupeau passe sous des oliviers, ils secouent adroitement les branches, afin que leurs brebis en profitent ; ils les font passer sur les lisières des moissons, des vignes, &c. & ont grand soin de les éloigner des haies, des broussailles, qui déchirent leur laine : enfin, leurs bêtes seront les plus belles du troupeau, les moins sujettes aux maladies, & les mieux soignées. De là est encore venu le proverbe : Mouton du berger ne meurt jamais. Les fraudes multipliées ont donné lieu à ces proverbes ; mais puisqu’ils existent & qu’ils sont connus de tout le monde, pourquoi n’ouvre-t-on pas les yeux ? On croit