Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1782, tome 2.djvu/258

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

que les brebis en léchent ; car si elles le font trop souvent, elles deviennent trop séches, & gagnent trop de soif ; de sorte qu’elles boivent immodérément quand on les admet à l’eau. On leur laisse tous les jours pendant une heure, l’usage libre du sel, après quoi on le couvre ; mais cette méthode n’est pas la meilleure.

2o. Quelques-uns ont la coutume de donner à chaque bête, tous les quinze jours, une petite poignée de sel pilé ; c’est trop : il vaut mieux donner la même dose divisée en quinze prises, une pour chaque jour.

3o. D’autres placent tout au long des râteliers, des auges longues & étroites, remplies de goudron, de sel ou de nitre, & des bourgeons d’absynthe pétris ensemble. Les brebis y peuvent lécher tant qu’elles veulent, parce que le goudron tient ces ingrédiens en masse, & il n’y a pas à craindre que les brebis prennent du sel en trop grande abondance. L’absynthe, quoique amère, antiputride & stomachique, est inutile, ainsi que les autres ingrédiens qu’on peut y ajouter ; le sel suffit.

4o D’autres ont la coutume de placer dans l’allée, devant l’étable, une ou plusieurs vieilles nacelles, ou de faire exprès plusieurs petites caisses, avec des planches, qu’ils remplissent de colle, & la font durcir pendant l’été au soleil. Sur cette colle, les pâtres répandent leur urine, ramassent toutes les autres urines de la maison, les jettent par-dessus, & les laissent imbiber ; ils admettent tous les jours les brebis à cette espèce de sel, & le placent même sous un appentis de la maison, afin que le reste du bétail le puisse lécher à son tour. Cette méthode est vicieuse par rapport à la colle qui nuit aux bêtes à laine.

5o. Quelques-uns suspendent un sac de distance en distance, rempli de sel ; la salive de la brebis le mouille & le dissout lorsqu’elle le léche.

6o. Les gens les plus sensés le mêlent, lorsqu’il est réduit en poudre, avec le fourrage frais ou sec, & l’animal ne laisse rien perdre.

7o. Dans certains cantons, on fait cuire à moitié des feuilles de choux, de raves, de navet, de pommes de terre ; enfin, l’herbage qu’on a le plus communément sous la main & en plus grande abondance, & on fait dissoudre dans cette eau une quantité proportionnée de sel au nombre de bœufs, de vaches, &c. Lorsque le tout est presque refroidi, le partage se fait pour chaque animal. Quelques-uns ajoutent une quantité de son. Il est certain que cette méthode est excellente, quoiqu’un peu laborieuse. Une grande attention à avoir, est de tenir chaque animal séparé de son voisin ; les uns mangent plus vîte que les autres ; & il arriveroit souvent que le même mangeroit presque deux portions à lui seul. Le second motif de cet écartement, est pour éviter que l’eau salée ne rejaillisse, lorsque l’animal mâche, les feuilles encore un peu dures, sur la peau de l’animal voisin. Les bœufs ne cesseroient de se lécher ensuite, & avec la langue d’entraîner le poil. Ce poil avalé formeroit successivement des égragopiles dans l’estomac, qui occasion-