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dire que le terrain doit être défoncé à la profondeur de trois pieds. On ne défonceroit guère plus pour un arbre à plein vent ; cette dépense est inutile. L’auteur de l’École du Jardin potager, ouvrage que nous avons déjà distingué par son mérite, conseille une fouille de deux pieds à deux pieds & demi, & c’est encore beaucoup. Le père d’Ardenne, auteur de l’excellent ouvrage intitulé, Année champêtre, prescrit le défoncement à deux pieds de profondeur, pour le mieux, ajoute-t-il ; mais ordinairement un pied & demi suffit, & la majeure partie des jardiniers ne défoncent pas au dessous d’un pied, & souvent moins. Cependant le père d’Ardenne rapporte qu’un seigneur de Provence fit transporter de la terre dans un endroit de son potager, à une hauteur considérable, & fit planter des artichauts dans ce terrain transporté : les plantes vigoureuses au dernier point, ont fruité tous les douze mois de l’année, jusqu’à ce que le terrain ait pris une consistance ordinaire. Ainsi avant d’entreprendre ce travail, chacun doit consulter la dépense qu’il peut faire, & se régler en conséquence. Une fouille très-profonde n’a d’avantage que les dix-huit premiers mois ; après cette époque la terre s’est tassée, à peu de chose près, comme si elle n’avoit pas été remuée. Il ne faut qu’une grosse pluie d’orage pour rendre la terre labourée aussi dure, aussi compacte que si on ne l’avoit pas sillonnée, surtout si le terrain est argileux.

Si la terre qu’on a défoncée pour l’artichaudière, est bonne, il est inutile d’y ajouter du fumier, à moins qu’on habite un pays où il soit abondant. Toutes les plantes fumées sont plus belles, il est vrai, mais le goût de leur fruit est moins délicat.

On peut diviser cette terre ou en planches, ou la planter dans son entier, ou enfin la diviser par sillons, suivant la coutume des provinces méridionales, coutume que le besoin a rendue indispensable.

En général, ce n’est point assez d’espacer de deux pieds ou de deux pieds & demi chaque plant d’artichaut ; il faut trois pieds. Cette distance paroît énorme en plantant, mais dans la belle saison elle n’empêche pas que les feuilles d’une plante ne touchent celles de la plante voisine. Plus il y a de courant d’air entre chaque pied, plus les feuilles attirent & absorbent les principes de végétation répandus dans l’atmosphère. L’échiquier offre le moyen unique de donner plus de surface aux plantes sans diminuer leur nombre.

La plupart des jardiniers plantent deux œilletons à six pouces l’un de l’autre, afin d’avoir la liberté d’arracher celui des deux qui aura le moins bien repris ; opération inutile, qui multiplie la main-d’œuvre sans nécessité. Plantez un bon œilleton bien conditionné, bien enraciné ; arrosez suivant les besoins, & soyez sûr qu’il reprendra sans peine. Cependant quelques pieds peuvent être détruits par des accidens quelconques : pour les prévenir, ayez quelques œilletons en réserve, ou en pépinière, ou que vous laisserez sur le vieux pied jusqu’au moment où il faudra l’éclater pour regarnir.