Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1782, tome 2.djvu/266

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des émulsions ; & c’est par cette raison, que les parties butireuses contribuent à donner au lait le même blanc mat qu’ont les émulsions ; & que par le repos, ces mêmes parties se séparent de la liqueur, & viennent se rassembler à sa surface, où elles forment une crême. »

» Tant que le beurre est seulement dans l’état de crême, ses parties propres ne sont point assez unies les unes aux autres, pour qu’il se forme une masse homogène ; elles sont encore à moitié séparées par l’interposition d’une assez grande quantité de parties séreuses & caséeuses. On perfectionne le beurre, en exprimant par le moyen d’une percussion réitérée, ses parties hétérogènes, d’entre ses parties propres : alors il est en une masse uniforme, & d’une consistance molle. »

» Le beurre récent, & qui n’a éprouvé aucune altération, n’a presque point d’odeur ; sa saveur est très-douce & agréable : il se fond à une chaleur très-foible, & ne laisse échapper aucun de ses principes, au degré de l’eau bouillante. Ces propriétés, jointes à celles qu’a le beurre, de ne pouvoir s’enflammer que lorsqu’on lui applique une chaleur bien supérieure à celle de l’eau bouillante, capable de le décomposer & de le réduire en vapeurs, prouve que la partie huileuse du beurre est de la nature des huiles douces, grasses & non volatiles, qu’on retire de plusieurs matières végétales par la seule expression. »

» La consistance demi-ferme qu’a le beurre, est due, comme celle de toutes les autres matières huileuses concrètes, à une quantité assez considérable d’acide qui est uni dans ce corps composé, à la partie huileuse ; mais cet acide est si bien combiné, qu’il n’est aucunement sensible lorsque le beurre est récent, & tant qu’il n’a reçu aucune altération. Lorsque le beurre vieillit, & qu’il éprouve une sorte de fermentation, alors cet acide se développe de plus en plus ; & c’est la cause de la rancidité qu’acquiert le beurre avec le tems, comme les huiles douces de son espèce. »

À cette observation de M. Macquer sur la cause de la rancidité du beurre, on peut en ajouter une seconde ; & je crois que la partie séreuse qui reste dans le beurre, y contribue également. Je conviens cependant que ce petit-lait est acide ; & qu’ainsi, absolument parlant, la proposition de M. Macquer est vraie. Mais cet acide du petit-lait, est-il identiquement le même que celui renfermé dans le beurre lorsqu’il est fait & bien fait ? Le beurre bien fait prend à la longue, un goût acre, fort & rance ; le beurre mal fait, c’est-à-dire, celui qui n’a pas éprouvé assez de percussions dans la baratte, est bien plutôt rance que l’autre, parce que le petit-lait n’en est pas assez exprimé. Si on prend du premier, & qu’on le paîtrisse dans plusieurs eaux consécutives, il conservera toujours son goût rance, quoi qu’au même degré ; le second, au contraire, le perdra totalement ; parce qu’en le paîtrissant, le petit-lait s’en dégage, ainsi que son acide, & donne à l’eau une couleur laiteuse plus ou moins foncée, suivant la plus ou moins grande quantité de petit-lait.