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servent de nourriture quand elles sont tendres & encore herbacées ; il les coupe & les rejette loin de son terrier, si elles sont trop dures. Rarement le mâle occupe-t-il le même terrier que la femelle, mais il est toujours dans les environs. La propreté la plus grande règne dans leur domicile, & jamais ils n’y font leurs ordures. Tout le tems que la nécessité & le besoin ne les fait pas veiller aux soins de leur nourriture, ils dorment ; & ce sommeil presqu’habituel, fait qu’ils sont toujours gras, quoiqu’ils ne mangent pas beaucoup.

La femelle met bas en été & vers le commencement de l’automne, & la portée est ordinairement de trois ou quatre. Il n’est aucun animal qui ne s’occupe d’avance de la petite famille qu’il doit mettre au jour ; l’attachement & les sollicitudes de mère, sont inhérentes à tous les êtres vivans. Doux présent de la nature, comme il rend intéressant ceux qui perpétuent les différentes races ! La femelle du blaireau prépare de loin le terrier où elle doit mettre bas ; elle va dans la campagne choisir de l’herbe tendre ; elle la coupe, en fait de petits fagots qu’elle traîne jusqu’au fond de son terrier, où elle en fait un lit commode pour elle & ses petits. C’est-là qu’elle les dépose jusqu’à ce qu’ils soient en état de prendre une nourriture plus forte & plus substantielle ; alors elle sort durant la nuit, & court chasser au loin : elle déterre les nids des guêpes, & emporte le miel ; malheur aux rabouillères des lapins, dont elle saisit les jeunes lapereaux, qu’elle apporte à ses petits. De retour auprès de sa jeune famille, si elle se croit en sureté, elle jette un cri au bord du terrier ; ils accourent à la voix de leur mère, & viennent partager le butin qu’elle a enlevé. Mais le moindre bruit se fait-il entendre ? tout disparoît ; la mère fait rentrer ses petits les premiers, & les suit. Le danger devient-il éminent ? quelque chien a-t-il découvert cette famille, & veut-il l’attaquer ? bientôt cet animal, si timide un moment auparavant, sent naître dans son cœur tout le feu, tout le courage d’une mère qui défend ce qu’elle a de plus cher, ses enfans. Il reste au bord de son terrier, & combat avec un acharnement prodigieux. Ses morsures sont cruelles ; rien ne l’épouvante. Il tient tête à deux ou trois chiens à la fois ; un combat long & opiniâtre lui donne toujours la victoire, quand il n’est pas contraint de succomber sous le nombre. Tout est en lui armes offensives ; ses dents & ses ongles. Le blaireau trop pressé, s’accule contre une pierre, contre un arbre : défendu par derrière, il fait face de tous côtés avec une intrépidité mêlée de fureur.

On chasse le blaireau avec des bassets à jambes torses, qui vont le relancer jusqu’au plus profond de son terrier. Si le terrier n’a qu’une issue, & qu’elle soit occupée par le chien, le blaireau s’enfonce de plus en plus, éboule des terres sur son ennemi, tâche de lui boucher le passage, en rejetant derrière lui tout ce qui se trouve dans son trou ; se retourne de tems en tems contre le chien, & le mord aux pattes & au museau. Si le terrier a plusieurs issues, il cherche à lui