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du blé de toutes les manières, & je n’en ai point trouvé de plus économique & de plus expéditive que celle dont je viens de parler. Qu’on ne perde jamais de vue qu’il n’y a point de petite économie à la campagne.


BOCAGE. C’est un bouquet de bois, planté dans la campagne, & non cultivé ; en quoi il diffère du bosquet. Ces bouquets font un joli effet dans un grand parc, si on sait bien ménager le point de vue & assortir les espèces d’arbres qui doivent le composer. Dans un terrain humide, l’aune, planté indistinctement avec le saule, & surtout le saule de Babylone, qui laisse retomber ses branches, fait un joli effet par le contraste du verd, & par celui de la disposition des branches ; le tremble & le chêne se marient très-bien ensemble dans les terrains secs, ainsi que l’ormeau avec le frêne, le frêne avec l’érable, l’érable avec les sorbiers, les aliziers, les acacias, &c. Le site seul, & la nature du terrain, décident de l’espèce des arbres qu’on doit livrer à eux-mêmes, & ne pas soumettre au terrible ciseau, ou au croissant du jardinier qui dévaste tout. Le mérite du bocage consiste dans son air champêtre & dans l’ombre qu’il fournit. On ne sauroit donc trop laisser monter les arbres & se fourrer de branches. Il faut qu’il fasse masse, qu’il se détache exactement des objets qui l’environnent, & que dans aucun point de vue il ne puisse se confondre avec eux. Le bocage environné de prairies est très-agréable.


BŒUF & VACHE. Le bœuf est le taureau châtré. Il est, sans contredit, l’animal le plus estimé entre les bêtes à cornes. Il semble méconnoître sa force, pour se plier à la volonté de l’homme. Nous en voyons des troupeaux entiers, être dociles à la voix d’une femme ou d’un enfant, suivre sans s’écarter, le chemin du pâturage, paître, ruminer, s’égayer sous les yeux de leur conducteur, se désaltérer au bord d’un ruisseau limpide qui arrose la prairie, & rentrer à l’étable sans résistance. Cet animal partage encore avec l’homme les travaux pénibles de la campagne ; c’est lui qui défriche nos terres, prépare nos moissons, transporte nos grains : sans lui les pauvres & les riches auroient beaucoup de peine à vivre ; il est la base de l’opulence des États, qui ne peuvent fleurir que par la culture des terres, & par l’abondance du bétail.

Le bœuf n’est pas si lourd, ni si mal-adroit qu’il paroît au premier aspect. Il sait se tirer d’un mauvais pas, aussi-bien, & peut-être encore mieux que le cheval. L’exemple que nous allons rapporter en est une preuve. Un de ces hommes, qu’on appelle vulgairement toucheurs de bœufs, trouvant un pré dans son chemin, y fit entrer ses bœufs pour pâturer. Excédé de fatigue, il se couche en travers sur la brêche faite à la haie, & s’endort. Quelques momens après, un de ces bœufs s’approche tout doucement ; & sentant son conducteur endormi, passe adroitement par-dessus lui sans le toucher ; un second en fait autant ; ensuite un troisième, un quatrième, & ainsi tout le troupeau défila ; enfin, l’homme se réveille, regarde