Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1782, tome 2.djvu/43

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en un lieu sec, ou du moins qui a été couverte durant les pluies, pour empêcher de se pelotter. On a grand soin de briser cette terre grasse, de la réduire en poudre autant qu’il est possible, en la mettant dans la fosse ; & après l’avoir bien râtelée pour la répartir également dans toute l’étendue de la fosse, on la couvre sur le champ de six bons pouces de terre, qu’on prend encore sur les deux ados, on unit cette terre avec le râteau, & dès ce moment on cesse de marcher dans les fosses, qui n’ont plus alors environ que dix-sept pouces de profondeur. »

» Dans la première quinzaine de Mars, on jette sur les six pouces de terre qui couvrent la terre grasse, quatre bons pouces de terreau gras, qu’on unit bien avec le râteau, & sur lesquels on jette ensuite quatre bons pouces de terre qu’on prend sur les deux ados. On applanit le plus également qu’il est possible cette dernière jetée de terre avec le râteau ; & après avoir jaugé les fosses qui ne doivent pas avoir dans toute leur longueur plus de neuf pouces de profondeur, on marque avec la bêche les places où l’on doit planter les asperges. »

» On doit voir, pour peu qu’on soit au fait de l’agriculture, que cette précaution n’est pas fort dispendieuse, & qu’il en coûteroit peut-être davantage pour mettre dans un terrain de cette nature toute autre plante moins productive & moins durable. »

M. Fillassier me permettra de lui faire quelques observations, & il les pardonnera sans peine en faveur du motif. Quoiqu’il dise que cette opération ne soit pas fort dispendieuse, je ne suis point de son avis, & je ne la regarde praticable que pour ces riches financiers de Paris, qui savent, au prix de l’or, applanir les montagnes & combler les vallées. Si j’avois un pareil terrain, je ne songerois jamais à préparer une aspergère. Une excavation de quatre pieds me fait trembler, & huit maniemens ou transports de fumier, ou de terre, ne sont pas un petit objet. Les racines d’asperge, même les plus étendues, n’ont jamais été à quatre pieds de profondeur.

Je demande quelle a pu être l’idée de l’auteur en proposant une couche de trois pouces de terre grasse ? il entend sans doute l’argile ou la glaise, deux mots synonymes : que doit produire cette couche ? d’empêcher la filtration de l’eau dans la partie inférieure de la fosse, & alors elle se fera par les côtés, & l’humidité se dissipera dans le terrain voisin : souvent une couche d’argile moins épaisse de beaucoup, suffit pour retenir l’eau de la source la plus abondante, & la forcer à jaillir en dehors. Si donc cette couche empêche l’infiltration, à quoi servira tout cet appareil inférieur à la couche ? à rien du tout, puisque les racines de l’asperge ne sauroient pénétrer à travers cette terre grasse ou glaise. Il est constant que les seules pluies de Février, de Mars & d’Avril, habituellement abondantes dans le climat de Paris, sont plus que suffisantes pour pénétrer le terrain supérieur, parvenir à cette glaise sèche & pulvérisée, & enfin la réduire peu à peu en couche dure,