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bois de buis, dont les fibres sont croisées, est le même que celui des ormes nommés tortillard, préférés par les charrons, & que l’on paie deux sols plus cher que les autres. Il en est ainsi du chêne & des érables tortueux, on les préfère pour le tour & pour les panneaux de menuiserie. À Saint-Claude même, les tourneurs préfèrent les broussins du Dauphiné ; & c’est de leur beauté, de leur grain & de leur marbrure que les tabatières de buis de Grenoble ont acquis une si grande réputation.

Le buis de tige est fort rare ; & il n’y a de véritable buis de tige qu’autant qu’il est venu de graine. Celui-ci a un avantage sur le broussin même pour les tabatières ; c’est que lorsqu’il est coupé transversalement, il offre une belle étoile & très-régulière. Cette étoile est si marquée, qu’il n’est pas possible de se tromper à la vue entre le bois de tige & de broussin.

Après le broussin du Dauphiné, celui de Lugny est réputé avoir de la qualité, & mérite même d’être recherché par les tourneurs de Saint-Claude. Si ceux du Languedoc & de Provence étoient aussi communément employés que ceux de Saint-Claude & du Dauphiné, ils auroient acquis la même réputation, & peut-être leur donneroit-on la préférence. Les environs de Saint-Pons en fournissent de l’excellent. Il est constant que la graine de buis qui pousse & végète dans le terrain calcaire, s’élève plus rapidement que dans tout autre sol ; il s’y plaît, il fait de belles tiges, si on a soin de les conserver ; cependant dans les granits de Corse, on y voit de très-beaux buis, ce qui ne doit pas surprendre ; c’est que ces granits sont en gros blocs, presqu’arrondis, accumulés les uns sur les autres ; & les cavités qui se trouvent entre un bloc & un autre, sont remplies de débris de terre végétale ; de manière que les racines trouvent une abondante nourriture, & une facilité étonnante à s’étendre & à pivoter. Par-tout on coupe ces tiges en jardinant, & de nouvelles branches repoussent du tronc. Comme ce bois de tige est fort cher, le marchand n’achète que la partie de la tige qui lui convient ; l’un en achète un billot de deux à trois pieds de longueur, & l’autre de quatre, & le reste ou queue demeure au propriétaire, C’est ainsi que cela se pratique dans la forêt de Lugny.

Le buis coupé pendant la sève travaille beaucoup, se fend en se desséchant ; celui coupé en tems convenable travaille moins, mais toujours trop pour l’ouvrier. Un moyen assuré de conserver le buis, consiste à porter dans une cave où le jour ne pénètre point, le bois de tige & le broussin, & de l’y conserver au moins pendant trois ans, & pendant cinq ans pour le mieux. Au sortir de la cave, on le fait dégrossir à la hache pour enlever l’aubier, & on lui donne la forme de cylindre. Les pièces dégrossies ne se mettent plus à la cave, mais dans un magasin où l’entrée du jour est interdire, & on ne les en tire que pour les porter sur le tour. Malgré ces précautions, quoique le buis paroisse particulièrement desséché, il attire