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se soutenir mutuellement pour résister au vent. Leur abri réciproque fait encore que la pluie en détruit moins de fleurs & qu’ils rapportent plutôt. Enfin, dans le cas où quelques-uns viennent à périr, le vide est moins sensible. Au contraire, lorsqu’ils sont à douze ou quinze pieds de distance, un ou deux arbres qui périssent, forment un grand vide que les branches voisines ne rempliront presque jamais, & qui laissent, pendant plusieurs années, beaucoup d’autres exposés à toute l’action du vent.

On a dit que l’ardeur du soleil pouvoit nuire aux cacaoyers, sur-tout dans les terres argileuses, & dans celles où le sable domine ; mais on a vu ci-devant qu’une cacaoyère ne peut pas bien réussir, à cause de la qualité du sol, dans un terrain argileux, parce que les racines ne peuvent pas pivoter. Pour ce qui est des terres sèches & légères, le jeune plant y souffre beaucoup du soleil, si on ne met à ses côtés deux rangées de manioque, à un pied & demi des cacaoyers ; ce que l’on fait en même-tems que l’on plante le cacao, soit un mois ou six semaines plutôt. Cette dernière méthode fait que le cacao se trouve abrité en levant, & que les mauvaises herbes n’ont pas le tems de prendre le dessus. C’est ici le cas d’employer le bambou, & de le substituer au manioque. L’autre pratique exige à sarcler souvent, jusqu’à ce que le manioque soit assez fort pour étouffer les herbes. Au bout de quinze mois, lorsqu’on fait la récolte du manioque, on en replante d’autres sur une rangée seulement au milieu de chaque allée, & on garnit le reste du terrain en melons d’eau, concombres, giraumons, ignames, patates, choux caraïbes. Toutes ces plantes couvrent la surface, empêchent la production des herbes, & fournissent en même tems de quoi nourrir les nègres. Il est à propos de détourner ces plantes lorsqu’elles s’approchent des cacaoyers.

Quelques cultivateurs ménagent des rigoles dans la cacaoyère, pour arroser le pied du jeune plant durant la saison, jusqu’à ce que son pivot soit parvenu à une profondeur où il trouve une humidité habituelle.

Le vent est bien plus dangereux pour les cacaoyers que le soleil. On a déjà parlé des abris que l’on forme soigneusement autour du terrain avec les arbres ; il est encore à propos d’en planter d’autres parmi les cacaoyers. Les plus convenables sont les bananiers & les bacoviers, arbres d’ailleurs très-utiles, mais trop négligés. Ils sont à peu près de la hauteur des cacaoyers, & acquièrent toute leur perfection en douze ou quinze mois. Le tronc a environ quinze à dix-huit pouces de circonférence, & n’est composé que des côtes des premières feuilles qui se couvrent les unes & les autres comme les écailles de poisson. Les feuilles qui forment un assez gros bouquet à la cime de l’arbre, ont cinq à six pieds de long, sur une largeur proportionnée. Ces arbres donnent quantité de rejets qui atteignent bientôt la hauteur & la grosseur des arbres mêmes, & qui tous ensemble font une masse de quinze à vingt pieds de tour ; enfin, ils sont toujours très-aqueux,