Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1782, tome 2.djvu/558

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sée. Il est constant que le moulin attaque l’huile essentielle, la seule partie aromatique du café, au point que le dedans de ce moulin paroît recouvert d’une substance qui ressemble par son poli, par son luisant, à une couche de vernis noir de Chine. Dans la poële, au contraire, l’air de l’atmosphère se trouvant froid empêche l’évaporation de cette huile essentielle. Un moulin neuf donne pendant quelques jours un goût désagréable au café, il ne l’est plus dans la suite. Chacun a sa méthode pour la préparation de cette boisson. Voici la mienne, celle à laquelle je me suis décidé, après avoir varié les expériences dans tous les sens possibles.

Je suis parti de ce principe universellement reconnu : plus le café est tenu au sec, plus il est conservé long-tems, meilleur il devient. La raison en est simple. La dessiccation a fait évaporer l’eau de végétation contenue dans la féve. Plus un café est nouvellement arrivé en Europe, plus il est vert, plus cette eau de végétation est abondante dans le grain. Il faut donc, en le brûlant, imiter le procédé de la nature. Je préfère de le rôtir au moulin, parce qu’il l’est plus également, & l’opération est moins fatigante que dans la poële. Le moulin est intérieurement bien incrusté du vernis dont nous avons parlé plus haut, & sert depuis long-tems. On jette dans le fourneau quatre ou cinq charbons au plus ; on place le moulin, & le domestique tourne sans cesse. Il faut entretenir le feu sans l’augmenter, & cette opération doit durer au moins une bonne heure. La première odeur qui s’évapore par les joints de la petite porte, quoique fermée, est singulière ; je ne saurois bien la définir ; elle paroît approcher un peu de celle de la violette. Seroit-elle particulière à l’écorce seulement qui éprouve la première l’action de la chaleur ? Il est constant que ce ne peut pas être celle de l’huile essentielle, de l’huile aromatique du grain, il faut un autre degré de chaleur plus fort pour la développer. Bientôt après succède une odeur désagréable, puis fastidieuse, puis nauséeuse, & enfin à cette dernière odeur succède celle du café brûlé. Dès qu’on commence à la sentir, on retire le moulin du fourneau, & après en avoir ouvert la porte, on examine si la couleur du café approche de celle du tabac foncé, ou de la robe usée des capucins. Depuis le commencement de l’opération jusqu’à ce moment, il faut avoir sans cesse tourné la manivelle & maintenu un feu égal & doux. Si le grain n’est pas assez rôti, on remet le moulin sur le fourneau, & de tems à autre on examine par la porte s’il est au point desiré.

Lorsqu’il y est parvenu, il faut se hâter de porter le moulin sur une table de marbre, ou sur de la pierre, d’en ouvrir la porte, de le vider, enfin de faire en sorte qu’un grain ne touche pas l’autre. Cette pratique est fondée sur ce que l’attouchement du corps froid, tel que le marbre, la pierre, &c., dérobe au café une partie de sa chaleur ; d’un autre côté, l’air froid de l’atmosphère agit sur le café, & le froid de l’air & de la pierre, au milieu desquels le grain se trouve, empêche l’évaporation de l’huile