Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1782, tome 2.djvu/690

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en Bourgogne, on vendoit un arbre sous le nom de cerisier de Zara, dont le fruit étoit rouge & acide ; mais qui pourra constater que les premiers noyaux soient venus de Zara ? & quand même on les auroit apportés à Montbard, il ne seroit pas encore décidé que c’étoit avec le fruit de cet arbre qu’on y faisoit le marasquin. Je prie très-instamment les personnes entre les mains desquelles cet Ouvrage tombera, & qui sont dans le cas d’aller à Zara, ou d’y avoir des correspondances, de me procurer des noyaux des cerisiers dont on fait le marasquin ; je leur en aurai la plus grande obligation, ainsi que des espèces de cerisiers cultivés ou sauvages de Cerasunte. Je leur demanderai encore de me procurer un détail bien circonstancié du procédé suivi dans la fabrication du marasquin.

Si on doit s’en rapporter à ce qui est dans l’Art du Distillateur & Marchand de liqueurs, publié par M. Dubuisson, en 1779, tome I, pag. 324, on aura le procédé de Zara. L’auteur dit le tenir d’un savant piémontois, sujet de Sa Majesté le feu Roi de Sardaigne, qui a résidé fort long-tems à Venise & à Zara.

« On se sert d’une espèce de cerise sauvage qui ne croît qu’en Dalmatie : ce fruit est aromatique, & le goût de son amande est un peu semblable à celui de nos avelines. (Cette définition très-imparfaite, se rapporteroit plutôt au fruit du merisier qu’à celui de la cerise aigre.) On recueille ces fruits lorsqu’ils ont atteint leur parfaite maturité. On les sépare de leurs queues ; on écrase fruits & amandes, & le tout est jeté dans une cuve destinée à les faire fermenter ; on délaye ensuite avec le jus de ce fruit, autant de livres de miel blanc qu’on a écrasé de quintaux de cerises ; puis on le jette dans la cuve, on foule, & quand le liquide a éprouvé le même degré de fermentation qu’on fait subir aux raisins, on le verse dans de grands alambics, au fond desquels on a préalablement placé une grille construite en deux parties qu’on adapte l’une à côté de l’autre, & dont les mailles sont assez serrées pour que le marc ne se précipite pas au fond du vaisseau qu’on couvre de son chapiteau, armé de son réfrigérant, & on procède à la distillation. Six mois ou un an après avoir converti ce vin en eau-de-vie, on rectifie cette liqueur au bain-marie, & on répète cette opération autant de fois qu’on estime devoir le faire, c’est-à-dire, jusqu’à ce que l’esprit soit dépouillé de tout corps hétérogène ; ce qu’on connoît à l’odeur & à la saveur agréable de cette liqueur. On fait fondre du sucre blanc dans une suffisante quantité d’eau simple, on le mêle avec l’esprit-de-vin, & on laisse vieillir le mélange. »

Les auteurs & les voyageurs qui parlent de Zara, ne disent rien de satisfaisant sur la marasque. Dans un ouvrage intitulé : État de la Dalmatie, imprimé en 1775, & dont l’auteur, nommé Grisogono, est né en Dalmatie, dans la ville de Trau, on lit que la marasque ne se trouve abondamment que dans la province de Poglizza, qui est une petite république indépendante au milieu de la Dalmatie, & que par-tout ailleurs elle est très-rare ; que les paysans de cette province en exportent une très-grande quantité dans des barques, ou par terre à dos de cheval, dont la plus grande partie se vend aux fabricateurs de rossoli qui sont dans toutes les villes voisines ; de