Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1782, tome 2.djvu/77

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mettre en ligne de compte les avances primitives qu’il sera obligé de faire. Il y a plus : toute parcimonie en ce genre est ruineuse. Les bons marchés écrasent, parce qu’on ne vend bon marché que ce qui est mauvais. Achetez donc les meilleurs animaux, les meilleurs outils ; ne plaignez pas les gages aux bons serviteurs, & n’en ayez pas d’autres. Un valet paresseux, est toujours trop salarié ; un mauvais animal mange autant qu’un bon : tous deux sont des êtres à charge, & ils nuisent aux autres.

Les avances secondaires, ou avances de prévoyance, sont aussi indispensables que les premières. Supposons qu’un homme vive sur le produit de son domaine, & que ce produit soit son unique ressource. Que deviendra-t-il, si une gelée tardive détruit dans un instant les plus belles apparences d’une récolte en vin ; si une grêle ravage ses blés & ses vignobles ; si une épizootie fait périr ses bestiaux ; si un incendie consume ses bâtimens & ses provisions ? Il ne sera pas moins tenu à payer les impositions royales, le gage de ses valets, les frais de leur nourriture ; de pourvoir aux réparations des bâtimens, aux ravages des eaux, à l’entretien des fossés, &c. &c. Que doit donc faire un propriétaire sage & prudent ? diminuer sa dépense jusqu’à ce qu’il ait acquis en avance le revenu d’une année. Sans cette précaution, il végétera avec peine ; les inquiétudes, les chagrins, le créancier dont l’œil est toujours ouvert, assailliront sa porte ; toutes ses opérations seront gênées, ses animaux mal nourris, ses valets insolens, parce qu’ils ne seront pas payés ; en un mot, tout ira mal. Combien ne s’écoulera-t-il pas d’années avant que ce propriétaire, dénué d’avances secondaires, soit au pair ! & si deux mauvaises années se succèdent, n’est-il pas entiérement abîmé ? Le commerce ne se soutient que par la liberté, & l’agriculture par les avances. Ô vous, pères de famille, qui lirez cet article, ne perdez jamais de vue le conseil que je vous donne ! Regardez le produit d’une année d’avance, comme un dépôt sacré, auquel il ne faut toucher que dans les besoins les plus urgens. (Voyez le mot Abondance)


AVANCER. Terme de jardinage. On dit avancer un arbre, un légume, un fruit, &c. Les couches, les cloches, les fumiers, les labours sont les moyens employés à cet effet. Tous sont utiles lorsqu’on ne cherche pas à forcer la nature. Ce point outre-passé, les fruits, les légumes qu’on se procure, sont sans odeur, sans goût agréable, & ils portent l’empreinte d’une dégradation frappante. Chaque chose dans son tems, disoit Caton, & Caton, avoit fort raison. Voyez au mot Asperge, ce qui résulte des soins & des fumiers prodigués. Quelle jouissance !

La cause naturelle qui avance le plus la végétation, est un tems bas, couvert, disposé à l’orage, le passage des nuées électriques, & lorsqu’on électrise une plante, une semence, & le vase qui la contient. Ce feu électrique n’est-il pas le feu de la nature, celui qui vivifie cet univers ? n’est-il pas l’ame de la végétation ?