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est toujours plus pesant, & considérablement plus fort que le bois gardé dans son écorce.

Deux solives pareilles tirées, l’une du haut de la tige de l’arbre écorcé & laissée aux injures de l’air, & l’autre d’un pied d’un des arbres en écorce, furent comparées ensemble. Tout l’avantage, & du poids & de la force, fut pour la première, malgré des défauts assez considérables qu’elle avoit. Elle pesoit 75 livres, & ne rompit que sous l’effort de 12 745 livres, tandis que l’autre ne pesoit que 72 livres, & rompit sous la charge de 11 889 liv.

Ce qui suit est encore plus favorable.

De l’aubier d’un des arbres écorcés, M. de Buffon fit tirer plusieurs barreaux de trois pieds de longueur, sur un pouce d’équarrissage, entre lesquels il en choisit cinq des plus parfaits pour les rompre : leur poids moyen étoit à peu près de 23 onces , & la charge moyenne qui les fit rompre à peu près de 287 livres. Ayant fait les mêmes épreuves sur plusieurs barreaux d’aubier d’un des chênes en écorce, le poids moyen se trouva de 23 onces  ; & la charge moyenne de 248 livres ; & ayant fait ensuite la même épreuve sur plusieurs barreaux de cœur du même chêne en écorce, le poids moyen s’est trouvé de 25 onces , & la charge moyenne de 256 livres.

Ceci prouve que l’aubier du bois écorcé, est non-seulement plus fort que l’aubier ordinaire, mais même beaucoup plus que le cœur de chêne non écorcé, quoiqu’il soit moins pesant que ce dernier.

Deux autres épreuves confirmèrent encore cette vérité, & même les différences furent bien plus considérables dans la seconde, puisque une solive d’aubier d’un arbre écorcé rompit sous le poids moyen de 1 253 livres, tandis qu’une autre, tirée d’un arbre non écorcé, se brisa sous la charge moyenne de 997 liv.

Il faut donc conclure des expériences de ce savant naturaliste, que l’aubier des arbres écorcés & séchés sur pied, est non-seulement beaucoup plus pesant & plus fort que l’aubier des bois ordinaires, mais même qu’il l’est plus que le cœur du meilleur bois.

Il faut remarquer que dans ces expériences la partie extérieure de l’aubier est celle qui résiste davantage, en sorte qu’il faut constamment une plus grande charge pour rompre un barreau d’aubier pris à la dernière circonférence de l’arbre écorcé, que pour rompre un pareil barreau pris au-dedans ; ce qui est tout-à-fait contraire à ce qui arrive dans les arbres traités à l’ordinaire, dont le bois est plus léger & plus foible à mesure qu’il est plus près de la circonférence.

La cause physique de cette augmentation de solidité & de force dans le bois écorcé sur pied, est facile à saisir. L’aubier, comme nous l’avons vu, se forme & augmente en grosseur par les couches additionnelles qui se forment entre l’écorce & le bois ancien ; l’écorce est absolument nécessaire à cette création, car l’écorce détachée, il ne se forme plus de nouvelles couches ; l’arbre peut vivre, jusqu’à un certain point, après l’écorcement, & croître même en hauteur,