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croiser ces premiers traits, éprouveroit encore beaucoup de résistance pour entrer & soulever le gazon. Il est donc à propos de croiser les premiers traits par d’autres qui soient faits avec la charrue à coutres. Après avoir coupé le gazon dans sa longueur & largeur, la charrue ordinaire soulève aisément & renverse sens dessus dessous, un gazon divisé en petites mottes. Pour bien diviser la terre, on a soin au troisième labour qu’on fait avec la charrue ordinaire, de ne prendre que six pouces de largeur à chaque sillon ; de cette manière toute la prairie sera réduite en très-petites pièces de gazon.

Lorsqu’on fait ces défrichemens avant l’hiver, qui est le temps le plus propre pour cette sorte de culture, toutes les pièces de gazon, humectées par la pluie ou la neige, & frappées ensuite par la gelée, sont bien divisées, & presque réduites en poussière après l’hiver : après cette saison, on peut travailler ces terres avec la charrue ordinaire, comme celles qui sont dans le meilleur état de culture.

La charrue à coutres sans soc est préférable, pour défricher les terres incultes, ou les prairies, à celle de M. Tull, dont nous avons donné la description : 1o. parce qu’elle est infiniment plus légère, & qu’il faut par conséquent moins de chevaux pour la tirer ; 2o. parce que les coutres ne sont point disposés de manière à couper le gazon à six pouces de profondeur, comme le font ceux de la charrue à coutres sans soc. Celle de M. Tull peut à peine labourer des terres moins fortes que des prairies.

La charrue à coutres sans soc n’est pas destinée uniquement à défricher les terres qu’on veut rendre labourables & mettre en état de culture ; elle est encore très-utile pour bonifier les prairies, pour rétablir celles qui sont en mauvais état, ou étouffées par une trop grande quantité de mousse. Les fumiers qu’on répand sur les prairies, ne sont pas d’un grand secours pour multiplier les fourrages ; ils font croître l’herbe en plus grande abondance, à moins que ce soit de la cendre ou du fumier de colombier : les autres, principalement quand ils sont mal divisés, étouffent les plantes : les parties humides, qui seules peuvent contribuer à la végétation quand elles parviennent aux racines des plantes, s’évaporent, parce qu’elles ne peuvent point entrer dans la terre, étant retenues à la surface par les gazons.

Pour ne point rendre ces engrais inutiles aux prairies, & empêcher même qu’ils ne leur soient nuisibles en étouffant le gazon par un trop long séjour, on ouvre, avec la charrue à coutres sans soc, toute leur surface, qu’on fend en bandes de trois pouces. On fait cette opération dans les mois de Novembre ou Décembre, & après on transporte les fumiers qu’on étend avec soin par-tout, en observant de ne point laisser de ces petits tas qui étouffent l’herbe. Il résulte de cette opération trois effets très-avantageux à la végétation des plantes. 1o. Le passage des coutres, qui coupent toute la surface d’une prairie en bandes, détachent & arrachent en même temps beaucoup de mousse, dont les anciens prés sont ordinairement